George W. Bush ne donne pas exactement de l'Amérique l'image que mérite sa diversité. Si on doit reconnaître qu'il a su renforcer en 2002 un pouvoir très discuté au lendemain de l'élection présidentielle de 2000, on est forcé d'ajouter que, par rapport à son prédécesseur, Bill Clinton, il représente une régression.
Ce jugement n'est pas dicté par la riposte du gouvernement américain au terrorisme, qui est cent fois justifiée ; ni par sa volonté d'en finir avec Saddam Hussein, bien qu'elle ne s'entoure pas de toutes les précautions juridiques. Il s'appuie plutôt sur quelques idées et programmes archaïques du chef de l'exécutif. M. Bush a lancé une offensive tous azimuts contre la contraception et contre l'avortement, privant ainsi d'un financement précieux les campagnes de planning familial lancées dans les pays pauvres.
Une campagne pour l'abstinence
Sur le sol américain, le président des Etats-Unis met en place une campagne que le pape aurait pu inspirer : pour lutter contre les grossesses d'adolescentes (dont le nombre diminue d'ailleurs) et les maladies transmissibles, M. Bush et ses services préconisent l'abstinence ; et les cours d'abstinence se multiplient dans les écoles et collèges où l'on s'efforce de démontrer aux jeunes que même le préservatif ne les protège pas contre certaines maladies infectieuses.
Le problème, c'est que, si l'abstinence n'est presque jamais observée, sauf par un nombre croissant de jeunes gens que les idées de M. Bush commencent à conquérir, c'est parce que les rapports sexuels obéissent à des pulsions naturelles qu'il est bien difficile de réprimer. Même les parents américains, qui misaient presque tous sur le préservatif, sont décontenancés par la prescription du président. Interdire le sexe, dans un pays qui se dit laïque, c'est aussi interdire l'amour. Et exiger que toute personne, jeune homme ou jeune femme, réserve son premier rapport au mariage, ce n'est pas seulement aller à contre-courant des mœurs, cela revient à ignorer l'amour.
Certes, ce ne sera pas la première fois que l'Amérique sombre dans le ridicule. Mais l'inspiration de M. Bush prend racine dans un ultraconservatisme qui imprègne toutes ses décisions et tous ses actes.
Pour commencer, M. Bush, qui a été longtemps lui-même un alcoolique, propose à la jeunesse de se conduire comme si elle avait son âge actuel. Il ne lui pardonne pas des travers auxquels il a largement succombé, ce qui fait de lui un hypocrite. Ses deux filles, par ailleurs, ont eu des comportements qui les ont conduites à avoir des démêlés avec la police. De sorte que M. Bush devrait d'abord mettre de l'ordre dans sa propre famille avant de régenter les familles des autres.
L'abstinence pourrait constituer l'un des éléments d'une campagne contre les maladies sexuellement transmissibles si cette campagne comprenait aussi le recours au préservatif. Mais M. Bush a rejoint les idées de la droite chrétienne qui a contribué à sa victoire électorale et veut maintenant tirer le meilleur parti de ce succès en transformant l'Amérique en système monacal. C'est la même droite qui a jugé nécessaire de lancer des invectives contre la religion musulmane et refuse d'établir une différence entre l'islam et le fondamentalisme, sans paraître se douter qu'elle oppose son propre obscurantisme à celui des terroristes.
En deux ans, la droite chrétienne a estompé la séparation de l'Eglise et de l'Etat, alors que se développe un énorme scandale de la pédophilie qui a fait de 20 millions de parents catholiques les accusateurs indignés de la plupart des diocèses américains. Il est vrai que les fanatiques de la droite chrétienne appartiennent à d'autres variantes du christianisme. Mais enfin, ils ne sont pas toujours des modèles, soit parce que des évangélistes de la télévision ont trempé dans des scandales financiers, soit parce que d'autres évangélistes ont cédé à l'attrait de la drogue, de l'alcool et du sexe. Que les mêmes se fassent les farouches avocats de l'abstinence au point de peser sur l'action du gouvernement est d'une inqualifiable hypocrisie.
Des démissions significatives
M. Bush, qui continue à s'étonner de la haine que l'Amérique inspire aux autres peuples et finance une campagne de communication destinée à améliorer l'image des Etats-Unis à l'étranger, n'a même pas su faire de la toute simple honnêteté une vertu nationale. On ne compte plus les grandes sociétés qui ont sombré dans la faillite parce que leurs patrons, dont certains, comme l'ex-P-DG d'Enron, étaient les amis de la famille présidentielle, truquaient les comptes. Qu'a fait M. Bush pour mettre de l'ordre dans le « big business » ? Strictement rien.
Cet homme, venu au pouvoir sans la moindre notion de politique étrangère, ne cesse de multiplier les interventions américaines sur les théâtres extérieurs, mais a laissé l'économie nationale s'enfoncer dans le marasme. Son ancien ministre du Trésor, Paul O'Neil, vient de démissionner après avoir répété une centaine de fois - et contre le bon sens le plus élémentaire - que l'économie américaine était en parfaite santé. Le conseiller économique personnel de M. Bush a lui aussi démissionné, quand on a annoncé, la semaine dernière, que le taux de chômage était passé de 5,7 à 6 %.
Il appartenait à M. Bush de rétablir la confiance des Américains dans le monde des affaires. Il n'a pas eu le temps ou n'a pas su le faire, de sorte que le président de la commission qui contrôle les opérations boursières (SEC), Harvey Pitt, a démissionné il y a deux mois et qu'on lui cherche toujours un remplaçant.
Voilà bien toute une série de domaines où M. Bush pourrait en priorité exercer les vertus qu'il attend de son peuple.
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