L A popularité de George W. Bush tend à décroître et son entourage, qui l'attribue à des lacunes dans sa communication, s'en inquiète. En quelques semaines, le ton de la presse s'est durci, annonçant la fin de l'état de grâce ; le sénateur Jim Jeffords a démissionné du parti républicain, donnant ainsi la majorité sénatoriale aux démocrates ; la fraction modérée des élus républicains se rapproche de l'opposition pour lutter contre le programme de la Maison-Blanche.
Le président comptait sur son voyage en Europe et son sommet avec Vladimir Poutine pour établir ses compétences en matière diplomatique. Les médias américains ont ignoré ses contacts avec les Européens et avec l'OTAN pour se concentrer sur les relations avec la Russie. M. Bush, qui a le sentiment d'avoir réduit le fossé avec l'Europe, a été frustré de ne pas avoir reçu, dans ce domaine, l'hommage qu'il attendait de la presse. L'entourage du chef de l'exécutif est divisé : les uns veulent qu'il affirme sa politique sans se soucier des nuances, comme il l'a fait au tout début de son mandant, non sans soulever un tollé aux Etats-Unis et surtout à l'étranger ; les autres veulent au contraire qu'il réintroduise dans son conservatisme la dimension compassionnelle qu'il avait lui-même promise pendant sa campagne.
En réalité, il s'agit moins d'un problème de communication que d'une question d'idées et d'actes. On connaît fort bien les convictions de M. Bush : il a bel et bien l'intention de poursuivre et de réaliser un jour son projet de missiles antimissiles, coûteux et aléatoire, qui soulève la colère des Russes et des Européens ; il n'a au fond de lui-même que mépris pour la cause de l'environnement, qu'il a liquidée d'un mot en renonçant au protocole de Kyoto ; il a présenté un plan pour l'énergie qui, au lieu d'insister sur la conservation, va augmenter l'offre et donc la pollution.
George W. Bush ne compte pas que des échecs dans le bilan de ses six premiers mois à la Maison-Blanche ; il a fait approuver par le Congrès une baisse massive des impôts, de très peu inférieure à celle qu'il proposait et qui, après avoir semblé téméraire en période de prospérité, devient indispensable au moment où la récession menace ; il a lancé un programme pour l'éducation qui a été applaudi par la majorité et par l'opposition ; il négocie avec le Congrès une charte des patients et, si les discussions sont serrées, les points de vue ne sont pas excessivement éloignés.
Sur les droits des patients, il refuse des dispositions réfutées par les HMO, les assurances et l'industrie pharmaceutique. Il y a une quinzaine de jours, les conseillers du président pesaient les pour et les contre d'un veto du président au projet de loi rédigé par le Congrès. Le principale porte-parole de M. Bush, Karen Hugues, était opposée au veto. Elle était convaincue que le projet des parlementaires était approuvé par la population américaine. Le mot veto, disait-elle, suffira à faire chuter la popularité du président. M. Bush a néanmoins opposé son veto au projet et les craintes de Mme Hugues ont été confirmées par les sondages.
Mais le geste du président n'était pas un acte de communication, c'était à lui seul toute une politique qui protège les intérêts de l'industrie au détriment de la population. A ce jour, le président n'a pas admis ou compris qu'il a été élu par défaut, parce qu'une moitié des Américains voulait en finir avec l'ère Clinton. Il s'est conduit depuis son élection (moins par le peuple que par une majorité de cinq voix contre quatre à la Cour suprême) comme s'il disposait d'un mandat à très forte connotation conservatrice. Ce comportement est sans doute celui de la nécessité, puisque M. Bush tient des engagements qu'il a contractés au cours de sa campagne, mais il est en parfaite contradiction avec le message des électeurs qui ne l'ont fait gagner que dans des conditions précaires et pour qu'il gouverne au centre. Aujourd'hui, ils se rappellent à lui et son choix est simple : ou bien il les entend et il trahit ceux qui ont financé sa campagne ; ou bien, comme son père autrefois, il écoute la voix du complexe militaro-industriel et il aura beaucoup de mal à conquérir un second mandat.
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