George W. Bush a sans nul doute acquis, à la faveur du drame du 11 septembre, une dimension politique qu'il n'avait pas le jour précédent. Comme la fonction crée l'organe, la crise forge le caractère. Les multiples critiques dont on abreuve l'Amérique et le président à propos de leur traitement du terrorisme n'enlèveront rien à leur succès en Afghanistan, pas plus que l'évasion d'Oussama Ben Laden et du mollah Omar ne diminue les premiers résultats qu'ils ont obtenus dans la réduction du nombre des actes de terreur.
Mais M. Bush n'a pas vraiment changé. La tragédie nationale n'a modifié ni sa vision du monde ni son idée du rôle de l'Amérique. Il n'a renoncé à aucun de ses projets préélectoraux, ni le bouclier antimissiles dont les premiers travaux sont lancés après une abrogation du traité ABM de 1972 qui n'a pas fait ciller Vladimir Poutine, ni son hostilité aux accords internationaux pour protéger l'environnement, ni sa collusion profonde avec les entreprises qui ont financé sa campagne, comme en témoigne le scandale d'Enron, qui l'éclabousse quelque peu, lui et ses principaux collaborateurs.
Une industrie malhonnête ?
La presse et l'opinion des Etats-Unis lui reprochent d'ailleurs cette intimité avec les géants de l'industrie dont il sert les intérêts parce qu'ils l'ont soutenu politiquement et financièrement. Mais, en ce moment, ils ne brillent pas par leur honnêteté. Beaucoup d'Américains reprochent à M. Bush d'avoir moins aidé les millions de salariés mis sur le carreau par la récession que les entreprises, elles aussi atteintes de plein fouet par la crise. Ils lui demandent cette once d'humanisme qu'il craint d'exprimer tant les idées « sociales » lui répugnent. Or M. Bush se souvient que son propre père, il y a dix ans, a perdu les élections après avoir été acclamé pour sa victoire dans la guerre du Golfe. De sorte que les journaux se demandent si, comme pour George Bush père et comme pour Churchill, le peuple ne va pas mettre à la retraite un leader historique.
M. Bush, qui prépare son discours sur l'état de l'Union, n'aura pas manqué de faire cette analyse, dans une année de midterm elections au terme de laquelle seront renouvelés toute la chambre des représentants et un tiers du Sénat. Les démocrates lui tiennent la dragée haute, notamment Tom Daschle, le chef de la majorité au Sénat, qui refuse obstinément la deuxième tranche de réduction des impôts que M. Bush veut lancer cette année. Les énormes excédents budgétaires accumulés par l'administration Clinton ont en effet fondu comme neige au soleil, et l'opposition ne manque pas de souligner que le président, conformément à l'idéologie de son parti, favorise les riches au détriment des programmes sociaux. D'un point de vue strictement macroéconomique, la réapparition des déficits risque de handicaper une croissance follement désirée, mais encore assez lointaine.
M. Bush qui, il y a un an, ne savait probablement pas où se trouve l'Afghanistan, est beaucoup plus convaincant, aux yeux des Américains, dans sa manière d'aborder les problèmes de sécurité nationale. Comme en Europe, le sort réservé à Guantanamo aux prisonniers de l'armée américaine, donne lieu à un large débat qui a excédé le secrétaire à la Défense, Ronald Rumsfeld, lequel s'est emporté contre les « mensonges » qu'il a lus dans la presse.
C'est une bataille que M. Rumsfeld, remarquable communicateur, va gagner rapidement. En effet, si les Etats-Unis ne veulent pas considérer les détenus comme des prisonniers de guerre, c'est parce que la guerre qu'ils n'ont pas déclarée est presque finie et qu'ils devraient alors les remettre en liberté.
L'Amérique fait le ménage
Les bonnes âmes, dont le cur saigne pour leurs ennemis impitoyables, manquent d'un sens minimum de la responsabilité. L'Amérique est en train de faire le ménage pour le compte du monde. Si, au nom de principes par ailleurs louables, les Américains ou les Européens prenaient le risque d'appliquer le droit international à ceux qui n'ont pour ambition que de le bafouer, le risque de nouveaux attentats serait multiplié. Certes, l'Amérique n'est pas au-dessus des critiques et, tout en vitupérant, M. Rumsfeld a fait en sorte que la vie quotidienne des détenus à Guantanamo soit améliorée. Mais il n'est pas question de sombrer dans le masochisme, pire, dans une conduite suicidaire : en protégeant les Américains contre des dangers qui n'ont nullement disparu, M. Bush nous protège nous aussi. On peut critiquer ses méthodes, pas l'objectif qu'il s'est assigné. Il faut veiller à ce que les Etats-Unis ne soient pas les seuls à mettre un peu de cohérence dans leur action.
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