LA COMMISSAIRE EUROPÉENNE à la Concurrence, Neelie Kroes, vient de lancer une enquête «sur les pratiques concurrentielles dans le secteur pharmaceutique». Une procédure qui n'a en soi rien d'exceptionnel (d'autres secteurs comme les télécommunications, l'énergie ou les services financiers ont en effet connu des enquêtes similaires), mais la particularité de ces investigations réside dans le fait qu'elles débutent par des perquisitions dans plusieurs grands laboratoires, comme sanofi-aventis, Sandoz, AstraZeneca ou encore GlaxoSmithKline (GSK).
Malgré ces perquisitions, Neelie Kroes assure que «Bruxelles n'a pas de soupçon spécifique envers les sociétés visitées, mais a besoin d'informations souvent classées confidentielles par les entreprises qui rechignent à les communiquer».
C'est manifestement au thème de la propriété intellectuelle que Bruxelles souhaite s'atteler avec cette enquête. Neelie Kroes assure ne pas vouloir remettre en cause le système des brevets, mais à condition que «les laboratoires n'en abusent pas». La commissaire à la concurrence note à ce sujet que «la protection des brevets n'a jamais été aussi forte», alors que «le nombre de nouveaux médicaments mis sur le marché décline». Et, dans le même temps, «les fabricants de génériques n'entrent pas sur les marchés aussi rapidement qu'attendu. Sans nouveaux médicaments, la qualité de certains traitements médicaux va stagner et, sans produits génériques, le coût de certains traitements va rester élevé».
La Commission européenne souhaiterait notamment, sur cette délicate et cruciale question des brevets, s'assurer que les laboratoires ne franchissent pas la ligne jaune en la matière pour en assurer la protection.
Contacté par « le Quotidien », le porte-parole de la Commission européenne, Anthony Todd, livre les observations suivantes : «L'enquête permettra notamment de voir si les accords passés entre les sociétés pharmaceutiques, comme les règlements de litiges liés aux brevets, enfreignent l'interdiction des pratiques commerciales restrictives prévue à l'article81 du traité de l'Union européenne. Elle cherchera également à déterminer si des sociétés ont créé des obstacles artificiels à l'entrée sur le marché de médicaments génériques, que ce soit par l'utilisation abusive des droits de brevet, par des procédures contentieuses à des fins vexatoires ou par d'autres moyens, et si ces pratiques peuvent enfreindre l'interdiction d'abus de position dominante prévue à l'article82 du même traité.»
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Chez sanofi-aventis, si on confirme «la visite de la Commission européenne dans le cadre de l'enquête sur les pratiques concurrentielles dans le secteur de la pharmacie», on ne souhaite pas préciser à ce stade de l'enquête quel site a été visité à cette occasion. On se borne à préciser que «la méthodologie appartient aux autorités» et que «sanofi coopère à cette enquête et n'a pas d'autres commentaires à faire». Même tonalité chez AstraZeneca, où on invite tout simplement les journalistes à prendre directement contact avec la Commission européenne.
Au LEEM (Les Entreprises du médicament), on ne commente pas davantage l'information et on renvoie aux laboratoires concernés par cette enquête. Mais, à Bruxelles, l'EFPIA (European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations), qui regroupe l'ensemble des industriels européens du médicament, ainsi que les filiales des groupes extra-européens presents sur le vieux continent, «espère que cette enquête permettra à la Commission européenne de mieux comprendre la nature et les processus d'innovation dans le secteur pharmaceutique». Et pour aider la Commission à mieux comprendre, l'EFPIA lui «fournira une analyse en profondeur sur la façon dont fonctionne la concurrence dans le secteur pharmaceutique, y compris le rôle clé des brevets dans la recherche et la conduite de l'innovation».
La Commission européenne rendra public à l'automne prochain un rapport intermédiaire sur cette enquête et remettra ses conclusions définitives au printemps 2009.
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