Une exposition et deux livres

Bruno Schulz, écrits et dessins

Publié le 25/10/2004
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PERSONNAGE SINGULIER, Bruno Schulz est né à Drohobycz en 1892, en Galicie orientale, région partagée entre Russie et Pologne. Il mène une vie retirée de professeur de dessin, tout en publiant ses premiers textes à partir de 1920 qui vont lui valoir la reconnaissance de grands écrivains polonais, dont Witold Gombrowicz, avec lequel il entame une correspondance. Il meurt en 1942 d'une balle tirée dans la nuque par un SS qui en avait fait son domestique, dans une ruelle de son quartier transformé en ghetto. Dans les ruines de Drohobycz - qui est au centre de son œuvre et qui apparaît comme un labyrinthe étrange, transfiguré par le rêve - s'est perdu son unique roman, « Le Messie ».
Le public français a découvert Bruno Schulz dès l'année 1959 grâce à Maurice Nadeau (les Lettres nouvelles), et ses deux principaux recueils de nouvelles, « les Boutiques de cannelle » (1934) et « le Sanatorium au croque-mort » (1937) ont été réédités par Denoël en 1974. Denoël réédite aujourd'hui en un volume ces deux textes ainsi que les essais critiques et la correspondance de Bruno Schulz (1). On y retrouve sa ville natale, la boutique de son père marchand-drapier, un personnage hors normes, excentrique et dépressif, son rapport au livre et à la femme dominatrice. Un univers proche de Kafka mais qui lui est très personnel.

Le dessin avant la littérature.

Pourtant, Bruno Schulz est venu à la littérature par hasard, les lettres qu'il envoyait à un ami pour le mettre au courant de sa vie, des faits et gestes de ses proches et concitoyens, des menus événements de sa bourgade, s'étant organisés en récits. Sa vocation l'a d'abord porté vers le dessin et son œuvre graphique compte plusieurs centaines de dessins et de gravures. On les découvre dans « le Livre idolâtre » (2), un album de planches gravées dans les années 1920 et 1930 qui n'a pas été publié sous forme reliée du vivant de Bruno Schulz mais qu'il considérait comme une œuvre à part entière.


Cette œuvre, diffusée discrètement en raison de son caractère érotique, est la clé de voûte de son travail littéraire et plastique. Ses personnages sont fascinés par de belles femmes qui les humilient, les animaux sont des êtres humains et, inversement, les petites filles, des femmes dominatrices... la dimension onirique et sadomasochiste est omniprésente.


Illustré d'une soixantaine de reproductions, tirées de l'œuvre graphique de Schulz mais aussi de Goya, Klossowski ou Balthus afin de le resituer parmi ses contemporains, l'ouvrage est présenté par un essai de Serge Fauchereau - le commissaire de l'exposition présentée au musée d'Art et d'Histoire du judaïsme (3) - et comprend la suite de cinquante planches et des différentes couvertures du « Livres idolâtre », y compris les exemplaires uniques jamais présentés dans aucune exposition.


(1) « Schulz », éditions Denoël, 822 p., 27 euros
(2) « le Livre idolâtre » par Bruno Schulz, présenté par Serge Fauchereau, éditions Denoël, 222 p., 40 euros
(3) Jusqu'au 23 janvier 2005. Le catalogue, « la République des rêves », rassesmble une quinzaine de textes signés de spécialistes français et polonais de l'oeuvre littéraire et graphique de Bruno Schulz, ainsi que la matière iconographique de l'exposition. Editions Denoël, 221 p., 35 euros

> M. F.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7619