Les cancers centraux représentent de 30 à 40 % des cancers bronchiques, ils touchent l'arbre bronchique principal et sont donc accessibles à la bronchoscopie, les tumeurs épidermoïdes sont majoritaires.
Les cancers périphériques (de 60 à 70 %) touchent les ramifications bronchiques distales, grosso modo celles qui ne sont pas accessibles au bronchoscope, le diagnostic repose sur les techniques radiographiques, essentiellement de nos jours le scanner hélicoïdal à bas débit qui génère moins de radiations. Les tumeurs sont surtout glandulaires (adénocarcinomes).
Les cancers de l'arbre bronchique principal restent longtemps radiologiquement muets, tant sur les clichés classiques que sur les clichés de scanner. Ces cancers résultent de la transformation maligne d'un épithélium normal qui passe successivement par les stades hyperplasie, métaplasie, dysplasie, carcinome in situ qui, ultérieurement, peut devenir invasif. La tumeur n'est alors plus limitée au carrelage épithélial, elle a envahi la chape sous-jacente et peut disséminer vers les ganglions et donner naissance à des métastases par dissémination hématogène.
Ces cancers épidermoïdes de l'arbre bronchique principal sont également difficiles à voir en bronchoscopie normale en lumière blanche car, dans les stades précoces, les modifications de la muqueuse bronchique sont très subtiles. Bon nombre de ces lésions passent inaperçues en bronchoscopie normale.
Et la fluorescence fut
C'est la raison du développement de la bronchoscopie en autofluorescence, examen en tout point identique à une bronchoscopie normale, mais qui examine une fluorescence spontanée produite par la muqueuse bronchique lorsqu'elle est éclairée par une lumière de longueur d'onde déterminée. Cette fluorescence est indétectable à l'il nu, l'image est donc amplifiée, traitée par informatique et retransmise en temps réel sur le moniteur vidéo.
Tout l'intérêt de cette technique réside dans le fait que les petites lésions précancéreuses et cancéreuses précoces ont une fluorescence spontanée qui est différente de celle de l'épithélium normal ; elle permet donc d'observer et de localiser des lésions de l'arbre bronchique principal qui seraient passées inaperçues en bronchoscopie conventionnelle.
Les candidats à la bronchoscopie en autofluorescence
La bronchoscopie, qu'elle soit ou non en autofluorescence, est un examen invasif, nécessitant une anesthésie locale et mobilisant du personnel spécialisé qui n'est manifestement pas adapté à un dépistage de masse chez les grands fumeurs, par exemple. La bronchoscopie en autofluorescence est donc essentiellement destinée à l'investigation de sujets sélectionnés, dont le risque est particulièrement élevé. C'est le cas des patients chez qui un cancer bronchique a été diagnostiqué.
Dans le centre de Vincent-Ninane, ces patients font l'objet d'une bronchoscopie en autofluorescence, lorsqu'une indication opératoire a été posée. Cette investigation a un double objectif :
- d'une part, mieux déterminer les limites de la tumeur s'il s'agit d'une atteinte centrale, ce qui a une incidence sur les modalités opératoires et la préservation de la fonction pulmonaire ;
- d'autre part, rechercher l'existence d'un ou de plusieurs autres cancers synchrones du premier. Cette recherche est positive dans pratiquement un cas sur 10. Bon nombre de ces lésions peuvent bénéficier d'un traitement strictement endobronchique à visée curative et sont donc traitées immédiatement après avoir été dépistées.
Il n'y a pas à ce jour d'études randomisées prouvant le bien-fondé du traitement systématique des lésions dépistées par bronchoscopie en autofluorescence, mais diverses données observationnelles prospectives suggèrent que plus de 50 % d'entre elles deviennent invasives. Compte tenu de l'histoire naturelle du cancer bronchique et de son pronostic particulièrement sombre, une majorité de pneumologues considère que ces données justifient le traitement de ces lésions. Par ailleurs, faut-il rappeler que les gynécologues traitent, avec succès, les cancers du col in situ depuis plus de vingt ans.
Les autres pistes
La bronchoscopie en autofluorescence est également utilisée, dans le cadre de programmes de validation et non pas en pratique clinique courante, pour la surveillance des patients ayant déjà un cancer bronchique, central ou périphérique, en raison de leur tendance élevée à présenter un nouveau cancer (fréquence de 1 à 4 %/patient/an).
Dans le domaine de la recherche, les biopsies ciblées réalisables pendant la bronchoscopie en autofluorescence permettent l'étude des caractéristiques biologiques et génétiques des lésions précancéreuses ou cancéreuses précoces et l'étude de leur histoire naturelle. La bronchoscopie en autofluorescence est également utilisée dans les études de chimioprévention.
Le système LIFE
L'idée d'utiliser les propriétés de fluorescence induites des cellules tumorales remonte aux années soixante-dix. A cette époque, on avait recours à des injections systémiques de dérivés de l'hématoporphyrine (Photofrin II), puis on éclairait la muqueuse par des ultraviolets. La technique a par la suite été améliorée par le recours à des sources laser qui permettaient de diminuer les doses de Photofrin. L'utilisation de cette méthode était néanmoins limitée par la survenue d'accidents de phototoxicité.
Une société canadienne a mis au point dans les années quatre-vingt-dix une nouvelle technique, le système LIFE (Laser Imaging Fluorescent Endoscope), qui exploite l'existence des différences spectrales d'autofluorescence des muqueuses bronchiques normale et dysplasique après illumination par une lumière bleue de 442 nm de longueur d'onde par une source laser hélium-cadmium. Il n'est plus nécessaire d'injecter d'agent photosensibilisant et il est possible d'effectuer des biopsies dirigées sur les zones anormales. Le principe de l'autofluorescence est également exploité en endoscopie digestive.
L'analyse ADN de l'air expiré
Si la bronchoscopie en autofluorescence constitue un progrès majeur pour le diagnostic des cancers bronchiques, cet examen reste invasif et ne peut entrer dans le cadre d'un dépistage de masse. Mettre au point des méthodes diagnostiques non invasives constitue donc un défi pour les experts soucieux d'améliorer le pronostic de ces cancers. Parmi les tests proposés, la recherche de mutations dans l'air expiré semble une piste particulièrement intéressante. Il s'agit de l'analyse des protéines et autres grosses molécules exhalées qui proviennent du parenchyme pulmonaire et des voies respiratoires. Une étude préliminaire a été réalisée chez 30 patients atteints d'un cancer du poumon non à petites cellules et 30 témoins en bonne santé. Les auteurs ont pu amplifier par PCR la bêta-actine dans l'air expiré et étudier ses gènes. Ils ont identifié chez 13 patients pour lesquels l'examen a été poursuivi une mutation du gène suppresseur de tumeur, le gène p53. Chez un patient sur trois, d'autres mutations ont pu être mises en évidence. La technique a été limitée lors de cette expérience par une trop faible quantité d'ADN isolé dans le condensé d'air analysé. Des études de plus grande ampleur sont bien sûr nécessaires avant de voir dans cette approche une méthode de dépistage de masse, mais les progrès de la biologie moléculaire ouvrent certainement la voie à la mise au point de tests non invasifs pour détecter à un stade précoce les cancers bronchiques.
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