O N sait que les femmes qui ont une mutation des gènes BRCA1 et BRCA2 ont un risque accru de cancer de l'ovaire (40 % pour BRCA1 et 25 %, voire plus, pour BRCA2).
Parmi les stratégies proposées pour réduire le risque cancéreux chez ces femmes : l'ovariectomie prophylactique (dont l'efficacité n'est pas encore précisément connue), chimioprévention par contraception orale (une réduction du risque de 50 à 60 % a été rapportée, mais on se demande si, en même temps, il n'y a pas augmentation du risque de cancer du sein), dépistage régulier par échographie et dosage du CA 125 (efficacité non démontrée).
En outre, des études ont montré que la ligature de trompes est associée à une réduction du cancer de l'ovaire (dans la Nurses'Health Study, odds ratio de 0,33 ; dans une métaanalyse, risque relatif entre 0,59 et 0,87). Toutefois, on n'a encore jamais évalué l'effet de la ligature des trompes sur le cancer de l'ovaire chez des femmes porteuses d'une mutation de BRCA1 ou de BRCA2. Voilà qui est fait, dans le cadre d'une étude menée dans trente centres, répartis dans trois pays (Canada, Etats-Unis, Royaume-Uni).
Les femmes incluses dans ce travail se savaient porteuses, dans le cadre d'un conseil génétique, d'une mutation de BRCA1 ou de BRCA2. Elles ont été réparties en deux groupes : 232 avec un antécédent de cancer de l'ovaire (femmes cas) et 232 sans antécédent de cancer de l'ovaire et avec leurs deux ovaires intacts (femmes contrôles).
Chaque femme cas a été appariée avec une femme contrôle pour l'année de naissance, le pays de résidence et la mutation (BRCA1 ou BRCA2).
On a demandé à toutes ces femmes si elles avaient eu une ligature des trompes.
Résultat : parmi les femmes porteuses d'une mutation de BRCA1 (n = 173), les femmes cas avaient eu moins de ligature de trompes que les contrôles (18 % contre 35 % ; odds ratio : 0,37 ; p = 0,0003). Après ajustement pour la contraception orale, la parité, un antécédent de cancer du sein et l'origine ethnique, l'odds ratio était encore à 0,39 (p = 0,002). De plus, la combinaison d'une ligature des trompes et d'une contraception orale était associée à un odds ratio de 0,28.
En revanche, aucun effet protecteur de la ligature des trompes n'a été noté pour les femmes BRCA2 (n = 59).
« Nous avons trouvé que la ligature des trompes est associée à une réduction du risque de cancer de l'ovaire chez les femmes ayant une mutation prédisposante du gène BRCA1. Nous n'avons pas observé d'effet protecteur similaire chez les porteuses d'une mutation de BRCA2, mais ce sous-groupe était petit et l'intervalle de confiance était large (0,38-3,68).
« Nos résultats confirment ceux de plusieurs études antérieures, y compris la Nurses'Health Study. »
Mécanismes inconnus, mais des hypothèses
« Les mécanismes par lesquels la ligature des trompes protège contre le cancer de l'ovaire ne sont pas connus », indiquent les auteurs. Aussi en est-on réduit aux hypothèses.
Dans quelques études, on a remarqué que la ligature est associée à des modifications des hormones locales ou circulantes, possiblement par le biais d'une réduction de l'irrigation sanguine des ovaires. Après ligature, les règles deviennent discrètement irrégulières.
D'autres auteurs ont imaginé que la ligature réduit le risque d'inflammation ovarienne à partir d'agents, infectieux ou autres, présents dans les voies génitales. La ligature pourrait réduire l'exposition au talc, mais le risque lié à ce produit est faible et peu de femmes s'en appliquent au niveau vaginal.
D'autres, encore, ont rapporté que la maladie inflammatoire pelvienne et l'endométriose sont des facteurs de risque de cancer ovarien. Mais les sous-types de cancers associés à une endométriose ne représentent que 5 % des cancers vus avec le gène BRCA1. Dans l'hypothèse inflammatoire, l'équipe de Cramer a rapporté que l'utilisation régulière de paracétamol réduit le risque de cancer séreux et suggéré que cet effet pourrait être dû à un abaissement des taux sanguins de gonadotrophines.
La contraception orale a été associée à une diminution du risque (odds ratio de 0,42 ; p = 0,002). Le risque de cancer ovarien est diminué de 72 % avec l'association contraception orale et ligature de trompe.
Que peut-on proposer ?
Dès lors, que peut-on proposer chez les femmes porteuses d'une mutation de BRCA1 ? Bon nombre de femmes choisissent une ovariectomie. L'âge auquel elle doit être effectuée doit tenir compte du désir de fertilité, du niveau de protection contre le cancer du sein et de l'ovaire, et des conséquences de la ménopause chirurgicale. « Peu de femmes choisissent l'ovariectomie avant 35 ans, mais proposer une ligature des trompes dès que le nombre d'enfants désirés est atteint est raisonnable et peut être suivi d'une ovariectomie plus tard.
« En résumé, nous pensons que la ligature des trompes est associée à une réduction du risque de cancer de l'ovaire chez les femmes porteuses de mutations de BRCA1. Pour une protection maximale, la ligature de trompes devrait être envisagée en combinaison avec la contraception orale, l'ovariectomie ou les deux. Nous ne pouvons pas encore établir des recommandations spécifiques pour les porteuses de mutations de BRCA2, et de études complémentaires sont nécessaires pour ce sous-groupe. »
Steven Narod et coll., et Hereditary Ovarian Cancer Clinical Study Group). « Lancet » du 12 mai 2001, pp. 1467-1470.
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