La rééducation à l'effort a fait ses preuves dans la bronchopneumopathie obstructive (BPCO), à la fois pour réduire les symptômes, optimiser la capacité fonctionnelle respiratoire et réduire le coût humain et économique de la maladie. Pour autant, elle n'a pas dévoilé toutes ses possibilités ; les études se poursuivent pour mieux connaître son impact, améliorer son efficacité…et l'adhésion des patients !
Rééduquer malgré les comorbidités
« La réhabilitation respiratoire brise le cercle vicieux : exacerbations - majoration de la dyspnée - réduction de l'activité physique - faiblesse musculaire - aggravation de la maladie, explique John Seymour (Londres). Chez 60 patients hospitalisés pour exacerbations aigues, elle permet de réduire notablement les ré-hospitalisations à 3 mois (7% vs 33% dans le groupe contrôle), et ce, indépendamment du stade de la BPCO ». La rééducation stimule les capacités à l'effort, qui s’améliorent parallèlement à l'augmentation de la force musculaire ; ce phénomène pourrait être lié à une meilleure vascularisation et à une modification de la répartition et de la qualité des fibres musculaires. Selon Diego Rodríguez (Barcelone), la récupération de la fréquence cardiaque après l'effort, indice d'une dysfonction du système nerveux autonome et d'un mauvais pronostic, est anormale chez les 3/4 des patients atteints de BPCO ; elle aussi bénéficie du ré-entrainement respiratoire.
La sévérité de la maladie ne doit pas être un obstacle à la rééducation : si le bénéfice est plus marqué dans les formes modérées sans insuffisance respiratoire chronique, tolérance à l'effort, dyspnée et qualité de vie sont toutes trois améliorées quel que soit le stade de la BPCO. Quant aux comorbidités, " elles ne compromettent pas la réussite du programme ; elles ne doivent donc pas être un motif de non prise en charge" insiste Ernesto Crisafulli (Italie). Si 64% des patients "tout venant" atteints de BPCO ont des pathologies associées (essentiellement hypertension artérielle et dyslipidémie, suivies de l’insuffisance cardiaque et du diabète), l'efficacité de la réadaptation dépend plus de la tolérance à l'effort et de la dyspnée initiales que des comorbidités. A noter qu’un patient sur 5 ne poursuit pas sa rééducation. Principaux facteurs d’abandon : de mauvais scores à l'effort et la co-existence d'une dépression. A l’inverse, VEMS et qualité de vie se semblent par avoir d'influence sur ce type de décision.
Nourrir la fonction respiratoire
L'indice de masse corporelle (IMC) et la composition corporelle sont des facteurs prédictifs de la survie, dans la BPCO comme dans l’insuffisance respiratoire chronique (IRC). La réhabilitation pulmonaire est plutôt anabolique chez les patients BPCO de poids normal ou maigre : élévation de l'IMC et de l'indice de masse maigre (FFMI ou Fat Free Mass Index), mais aussi de la masse grasse thoracique. A l’inverse, chez les obèses, l'IMC et la masse grasse diminuent significativement.
Une étude présentée par Christophe Pison (Grenoble) a randomisé 122 insuffisants respiratoires chroniques (parmi lesquels 91 hommes), ayant 66 ans d'âge médian, un IMC moyen de 21.4kg/m2 et un index de masse maigre au dessous de la normale. La moitié d’entre eux associait à l'éducation thérapeutique, rééducation physique, suppléments nutritionnels, et testostérone. A 3 mois, ce groupe avait significativement amélioré IMC, index de masse maigre, taux d’hémoglobine, capacité à l'effort et force musculaire ; à 15 mois, on note une amélioration de la survie, avec 3 décès/52 patients vs 12/62 (p<0.05). "On se focalise trop souvent sur le surpoids" s'étonne Manuel Frey (Suisse) " alors que dénutrition et/ou malnutrition sont des paramètres essentiels du pronostic dans la BPCO. Nous avons constaté que la moitié des patients souffrant d’une BPCO sévère sont à haut risque de dénutrition et qu'aucun n'a jamais reçu de conseils diététiques". L'état nutritionnel doit être évalué avant la rééducation, avec une prise en charge spécifique des patients à risque de dénutrition ; ce risque est surtout évalué par la notion de perte d'appétit et/ou de poids récente plutôt que par la notion d’un IMC "naturellement" bas.
De nouvelles molécules
Un nouveau bronchodilatateur, l'indacatérol, améliore significativement, dans des études de phase III, fonction respiratoire et dyspnée avec une prise unique quotidienne par rapport au tiotropium. "L'intérêt de cette molécule est son début d'action rapide et le maintien de la bronchodilatation tout au long des 24H" se félicite Ronald Dahl (Danemark). Aux doses de 150 et 300 µg, le profil de tolérance est bon, les évènements indésirables les plus fréquents (rhinopharyngite, toux, maux de tête) s'atténuant avec la poursuite du traitement.
Les inhibiteurs de la phosphodiesterase 4 (IPDE4) comme le roflumilast et le cilomilast ont des propriétés anti-inflammatoires qui pourraient ouvrir une nouvelle approche dans la BPCO. Des résultats présentés à l'ERS par Peter Caverley (Royaume Uni) et publiés dans le Lancet (*) soulignent l’amélioration significativement de la fonction respiratoire et la diminution des exacerbations. Dans 2 études multicentriques de phase III, plus de 3000 patients ayant des BPCO sévères à très sévères ont été randomisés en double aveugle pour recevoir soit le roflumilast (Nycomed) à 500 µg une fois par jour, soit le placebo, en association au traitement standard. Les objectifs principaux à un an ont été atteints : une amélioration du VEMS vs placebo de 48 ml avant bronchodilatateur et de 55 ml après (p<0.0001), une réduction de 16.9% des exacerbations modérées ou sévères (p=0.0003). Les résultats poolés des 2 études montre 67% d'évènements indésirables sous roflumilast (vs 62% sous placebo) et 20% (vs 22% sous placebo) d'évènements sévères. Les arrêts du traitement liés aux effets indésirables (nausées, diarrhée), initialement plus fréquents sous roflumilast, rejoignent ceux du placebo après 8 semaines. Il n’y a pas de différences notables en ce qui concerne les évènements cardio-vasculaires, les troubles du rythme ou l'incidence des pneumonies ; à noter cependant une perte de poids de 2.09 kg dans le groupe roflumilast vs une prise de poids de 0.08 kg sous placebo, qui doit être évalué dans d'autres études. L'association avec le tiotropium ou avec le salmétérol confirme que le roflumilast amène un bénéfice supplémentaire sur la fonction pulmonaire et la réduction des exacerbations, tout en étant bien toléré par rapport à ces molécules seules. "Néanmoins ce traitement ne doit pas être donné à tous les patients, du fait des effets secondaires (nausées, diarrhées, perte de poids) survenant généralement au début de l’administration" avertit Leonardo Fabri (Italie).
Les IPP étendent leur champ d'action
Plus surprenant, les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) se montrent là où on ne les attendait pas, réduisant la fréquence des exacerbations dans la BPCO. Chez 100 patients anciens fumeurs, ayant tous une BPCO traitée de façon classique, mais n’ayant aucun signe clinique ni endoscopique de reflux gastro-oesophagien (RGO) ou d'atteinte gastroduodénale, la prise d'un IPP, le lansoprazole (15 mg/j) diminue après un an le nombre d'exacerbations (0.34 vs 1.18%, p=0.0003), soit après ajustement sur les autres variables une réduction du risque de 77% ; on note également une réduction du risque de rhumes banaux récurrents (au moins 3 fois par an) de 72% (p=0.048). "Les IPP exercent une action anti-inflammatoire du fait de l'inhibition de la production de cytokines, et modulerait en particulier la réponse inflammatoire lors d'une infection à rhinovirus, souvent en cause dans le rhume commun et facteur déclenchant connu d'exacerbations" explique Takahiko Sasaki (Japon)
(*) www.thelancet.com Vol 374 August 29, 2009
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