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I L s'appelait Anatole Deibler mais on le nommait plus familièrement, avec un frisson de fascination et de peur, « Monsieur de Paris ». Exécuteur en chef des hautes uvres de la République, il guillotina 395 condamnés et pourtant il n'avait rien de sanguinaire. C'est son destin hors du commun que nous livre Gérard A. Jaeger dans une biographie augmentée de 53 photos inédites provenant des archives de son « héros ».
Petit-fils et fils de bourreau, il devint l'assistant de son père en 1889, la dernière année où la Veuve s'est dressée sur le pavé de la Roquette ; la guillotine allait avoir cent ans et on était même venu de l'étranger pour voir tomber la cinquante-deuxième tête d'assassin sur le trottoir de la prison. Ravachol fut peut-être sa première victime célèbre, premier d'une longue liste d'anarchistes comme Vaillant mais aussi de truands comme « Raymond la Science », rescapé de la Bande à Bonnot ou, à la rubrique des faits divers landru, Violette Nozière, Gorguloff ou Pilorge.
En 1998, Anatole Deibler trouve à se marier... avec la descendante d'une famille de bourreaux, l'année de sa nomination au poste que son père avait occupé jusque-là : exécuteur en chef pour le continent. A partir de là, explique Gérard Jaeger, il va basculer dans un dédoublement de la personnalité : se devant d'être digne en toutes circonstances, il s'appliquera sans cesse, avec la précision et la minutie d'un orfèvre, à cautionner la morale barbare de l'exécuteur par la perfection du geste.
Si « Monsieur de Paris » a exécuté à tour de bras et jusqu'en Belgique et en Allemagne, surtout dans les années d'entre-deux-guerres qui a vu une recrudescence de la criminalité, cela ne l'enrichit pas pour autant car non seulement il n'était pas à la « commission » mais plus il y avait d'exécutions, plus la somme annuelle qui lui était allouée était grevée. Commença alors pour lui une course à l'augmentation de ses gages, moins d'ailleurs par besoin financier que pour servir sa position sociale car, plus il avançait en âge et plus il donnait l'impression de vaciller dans ses certitudes. Et plus il continuait d'exercer sa profession comme un « fonctionnaire » de la Justice dont il n'avait pas le statut, mais dont il avait acquis l'esprit, la régularité de métronome et les gestes, répétitifs et sans surprise. Jusqu'à ce jour de janvier 1938 où, souffrant, il se fit remplacer pour la première fois au pied de la guillautime et à ce matin du 2 février 1939 où il rendit, comme on dit, l'âme. Il avait 76 ans.
Ce document, réalisé à partir des carnets intimes d'Anatole Deibler et des archives personnelles de sa famille, est publié pour saluer le vingtième anniversaire de l'abolition de la peine de mort, le 9 octobre 1981 ; et en effet cette biographie ne restitue pas seulement la vie singulière d'un homme mais elle retrace ces pages d'Histoire de la France, quand le spectacle de l'échafaud attirait les foules tandis qu'une partie de l'opinion et des hommes politiques se battaient contrecette mesure de justice, cette barbarie appliquée encore aujourd'hui par quelque 90 pays.
Tous des obsédés
Trop de passion, et c'est l'obsession. C'est aussi le thème d'un recueil de nouvelles inédites réunies par Otto Penzler - qui dirige les librairies The Mysterious Bookshop de New York, de Los Angeles et de Londres, prix Edgar pour son « Encyclopédie du mystère et des détectives » et prix Ellery Queen pour l'ensemble de ses contributions à la promotion de la littérature policière - sous le titre « Meurtres et obsessions » (2).
Un titre un peu trompeur, car les quinze récits imaginés par des maîtres du suspense - dont Elizabeth George, James Crumley, Ed McBain, Joyce Carol Oates - ne parlent pas tous de meurtre ; on y voit un policier qui pousse trop loin le désir d'arrêter des cambrioleurs, une femme qui tout d'un coup ne peut plus supporter la collection d'art chinois de son mari, un homme qui n'arrive plus à détacher ses yeux du ortrait d'une femme morte depuis longtemps..., mais ce qui est certain, c'est que l'obsession est rarement inoffensive, il y a en général un prix à payer. Ainsi par exemple de la nouvelle de James W. Hall intitulée « Fissure » où le narrateur, obsédé par ce qui se déroule dans l'appartement du dessous qu'il mate par la fente d'un mur, perd non seulement l'attention de ses élèves et l'amour de sa femme mais, plus concrètement, un il que transperce une lame de couteau. Des variations troublantes et parfois terrifiantes.
(1) Editions du Félin, 294 p., 137,75 F (21 euros)
(2) Editions Albin Michel, 557 p., 140 F (21,37 euros)
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