CONGRES HEBDO
Qu'on l'appelle bouffée délirante aiguë (BDA), trouble psychotique aigu transitoire ou encore, à l'anglo-saxonne, psychose réactionnelle brève, il s'agit dans tous les cas d'un épisode psychotique de durée brève caractérisé par une prédominance de symptômes délirants, survenant le plus souvent chez le sujet jeune ou le grand adolescent sans antécédent psychiatrique. L'entourage peut parfois témoigner d'une phase prodromale teintée de ruminations abstraites, de repli sur soi, de négligence généralisée, mais aussi d'anxiété et de troubles du sommeil, en rupture avec le comportement habituel du patient.
L'épisode se caractérise par un délire polymorphe non systématisé - bien différent donc des délires mono-idéiques plus évocateurs de psychose paranoïaque - variable dans le temps et dont les thèmes tournent le plus souvent autour de l'influence et de l'automatisme mental : « Ma pensée est gouvernée par d'autres personnes ou d'autres forces qui m'ont confié une mission ou me persécutent. » Une justification mystique ou surnaturelle n'est par rare, visant à étayer ce discours auquel le patient adhère bien souvent de façon inébranlable. Tous les mécanismes délirants peuvent être observés : hallucinations auditives, psychiques, visuelles, cénesthésiques, intuition, imagination, interprétation... L'humeur très souvent labile oscille entre euphorie et tristesse pathologique. Les périodes d'agitation sont éventuellement émaillées de gestes auto- ou hétéro-agressifs. Les troubles délirants s'atténuent parfois temporairement, ouvrant le sujet à une meilleure adaptation à la réalité, à une plus grande intégration à l'entretien avec le psychiatre.
L'anxiété est constante, non maîtrisable, non expliquée par la réalité extérieure. L'absence de désorientation temporo-spatiale et de variabilité de la vigilance permettra d'écarter le principal diagnostic différentiel que représentent les états confusionnels, de présentation clinique parfois assez proche mais qui surviennent bien souvent dans un contexte particulier : traumatisme crânien, prise de toxiques ou de médicaments, décompensation d'une pathologie non psychiatrique.
L'examen neurologique normal, l'absence de facteur déclenchant - certaines BDA apparaissent toutefois comme réactionnelles à un changement récent du mode de vie - et d'antécédents psychiatriques à l'exception, éventuellement, d'autres épisodes du même genre résolus sans séquelles, sont d'autres éléments en faveur du diagnostic.
Quelle attitude adopter en urgence ?
Selon le Dr Michel Benoit, l'approche diagnostique d'urgence s'attachera tout d'abord à rechercher, par l'interrogatoire du patient mais aussi de son entourage, un contexte de survenue de cet épisode délirant aigu : prise de médicaments, de toxiques, ou traumatisme crânien. On évaluera ensuite l'intensité des troubles qui peuvent poser problème à court terme : la désorganisation, l'agitation et les menaces, la perte du contact et de l'accessibilité à l'entretien. On recherchera l'existence d'antécédents du même type, consécutifs ou non à la prise de toxiques (cocaïne, crack, amphétamines, ecstasy, datura...).
Au terme de cette évaluation, l'hospitalisation au service des urgences est, à quelques très rares exceptions près, incontournable. Elle seule rend possible une prise en charge à la fois psychiatrique et somatique qui permettra de ne pas méconnaître un facteur psycho-organique associé : le bilan biologique et la recherche de toxiques seront systématiques. Le transfert - préparé et non précipité - en secteur psychiatrique sera ensuite effectué.
Dans le service des urgences, l'attitude vis-à-vis du patient devra chercher à écarter les facteurs et les personnes majorant l'anxiété. Les mesures de sécurisation du patient en cas de comportement instable ne devront pas attendre le passage à l'acte auto- ou hétéro-agressif ni la fuite hors du service. A cet égard, le débat sur l'intérêt ou les conséquences délétères de la contention reste d'actualité. Selon le Dr Benoit, « la contention physique est thérapeutique si elle est effectuée selon un protocole éprouvé par l'équipe, avec du matériel adéquat et un maintien constant d'une relation de soins ».
Néanmoins, dès l'étape préhospitalière, l'écoute neutre et bienveillante doit être la règle. Elle s'attachera à développer une « recherche d'alliance » avec le patient autour, notamment, de sa souffrance, de son anxiété, sans toutefois adhérer à son délire.
Enfin, le traitement médicamenteux, s'il est nécessaire, ciblera l'anxiété, l'agitation et le délire. Une monothérapie antipsychotique faisant appel à des molécules telles que l'amisulpride (Solian®), la rispéridone (Risperdal®) ou l'olanzapine (Zyprexa®) doit être privilégiée, éventuellement associée à une benzodiazépine dans les tableaux d'anxiété majeure.
Ces antipsychotiques atypiques, dont le délai d'action est suffisamment court pour rendre possible leur utilisation en urgence, sont mieux supportés que les neuroleptiques classiques, toujours susceptibles, chez le sujet jeune sans antécédent psychiatrique, d'induire l'apparition de signes extrapyramidaux.
D'après la communication du Dr Michel Benoit, hôpital Pasteur, Nice.
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