A Paris

Botticelli ou le triomphe florentin

Publié le 09/10/2003
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Arts

Le raffinement. Nul mieux que Botticelli ne semble répondre à l'exacte signification de ce mot. Aux origines mêmes de sa carrière, aux premiers balbutiements de son pinceau, ses œuvres sont déjà inspirées d'une délicatesse et d'une grâce à nulles autres pareilles.

Après un court passage dans un atelier d'orfèvrerie, c'est chez le frère Filippo Lippi que le jeune Sandro reçoit sa formation artistique. Il restera une dizaine d'années chez le célèbre moine, dont l'influence sur son œuvre sera grande. Procédés de composition et d'ornementation, techniques, traitement des corps, couleurs..., Botticelli possède déjà, lorsque son maître meurt en 1469, un immense savoir-faire et de nombreuses qualités d'observation.
L'exposition s'ouvre sur les thèmes chers au peintre florentin : Vierges à l'Enfant et Annonciations. La ligne est pure, les couleurs tendres et mordorées, les regards expressifs, le pinceau délicat et minutieux. L'art du jeune Botticelli est aérien, exalté, spirituel. Puis l'époque arrive où ses œuvres vont être liées au mécénat des Médicis et à l'esprit d'humanisme qui souffle sur la ville. Les plus grandes et les plus belles œuvres de Botticelli (« le Printemps », « la Naissance de Vénus »..., qui ne se trouvent pas dans l'exposition) datent de cette période.
Il arrive souvent au peintre de s'éloigner des Saintes Ecritures et de se tourner vers une peinture inspirée par la littérature, peuplée d'allégories profanes ou de scènes mythologiques. Par le biais de la peinture de mythologies, où il excelle, Botticelli exprime magistralement le mouvement des âmes, et l'inscrit au cœur d'un écrin choisi : une nature tendre, remplie de symboles et traduisant la beauté universelle, l'équilibre et l'harmonie. L'art du peintre est superbement vivant : Botticelli est indifférent à l'anatomie exacte des corps, il se permet quelques audaces, utilise des couleurs chatoyantes et précieuses (voir la superbe « Calomnie » ou « le Jugement de Pâris »), dans des compositions fortement architecturées. En 1480, il part pour Rome, et va participer à la décoration de la chapelle Sixtine. Mais, « le peintre le plus florentin de l'art italien » s'en retourne rapidement dans la ville des Médicis.
Le doute s'empare de Botticelli dans les dernières années du Quattrocento. Les Médicis sont chassés de Florence en 1494. La ville vit dans l'insécurité d'une crise politique et religieuse, ponctuée par les imprécations de Jérôme Savonarole, prédicateur dominicain au « profil de bouc » qui condamne le laxisme et la corruption. Botticelli subira l'influence de cette « dictature théocratique ». Ses œuvres se teintent alors de simplicité et de dévotion. Une tension envahit les visages de ses sujets profondément religieux et mystiques. Le tourment spirituel, l'austérité, une forme de puritanisme soufflent sur les dernières toiles. La palette s'oriente vers des couleurs de ténèbres. Les ports de tête sont hiératiques. La peinture est virile et s'éloigne des sujets dominés par la grâce féminine. Léonard, Raphaël et Michel-Ange triomphent. Botticelli est dépassé par la modernité de la seconde Renaissance italienne. Il ne peindra plus durant la dernière décennie de sa vie. Il avait atteint son idéal du Beau. Il ne lui était plus possible d'aller plus loin.

« Botticelli. De Laurent le Magnifique à Savonarole ». Musée du Luxembourg, 19, rue de Vaugirard, Paris 6e. Tél. 01.42.34.25.95. Ouvert tlj à partir de 11 h. Nocturnes les vendredi, samedi, dimanche, lundi (22 h 30). Entrée : 9 euros (TR : 6 euros). Jusqu'au 22 février. Catalogue : 250 pages, éd. Skira, 39 euros.

Daphné TESSON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7401