JEAN-LOUIS BORLOO est d'abord un homme sympathique. Son portrait a été dressé cent fois dans la presse, de sorte que les Français commencent à bien le connaître. C'est un des espoirs de la droite. Un peu brouillon, cheveu fou, bouille de papier mâché, il représente à lui seul tout ce qu'on peut trouver de purement « social » à droite. Son mépris des convenances, son col ouvert, son sourire presque enfantin tranchent par rapport à quelques attitudes plus compassées qu'on trouve dans le personnel politique (et pas seulement à droite).
Mais le portrait serait tout à fait incomplet s'il ne dessinait que son visage et ses manières. Il y a chez cet homme une réelle compassion pour ses concitoyens dans la détresse ; sur les surendettés, il a exprimé la colère que lui inspire le système qui les broie ; en tant que maire de Valenciennes, il a su lutter contre la crise et créer des emplois dans une région déshéritée ; cet homme-là est du côté des pauvres et des vaincus.
Pot de terre et pot de fer.
Dans ce rôle de ministre de la Cohésion sociale qui lui a été confié, il est, par la force des choses, l'anti-Sarkozy, l'opposé de l'homme chargé de faire des économies budgétaires. On a donc dit que le pot de terre ne résisterait pas au pot de fer. Quelles chances M. Borloo pourrait-il avoir contre un ministre de l'Economie qui a osé exiger des coupes dans le budget de la Défense ?
Nous y voici. Jean-Louis Borloo a demandé et obtenu 10 milliards d'euros sur cinq ans pour lutter contre les inégalités sociales. D'abord, il veut construire chaque année 100 000 logements sociaux (contre 80 000) ; ensuite, il entend créer des « maisons de ressources humaines » où seront regroupés tous les services d'indemnisation du chômage, plus un suivi des personnes à la recherche d'un emploi ; et un contrat d'activité sera proposé aux allocataires des minima sociaux.
PAR LA FORCE DES CHOSES, CET HOMME-LA EST L'ANTI-SARKOZY
L'accession à la propriété immobilière sera facilitée. Dans un chapitre du projet intitulé « égalité des chances », l'Etat s'engage à se porter au secours des enfants en difficulté et des communes les plus atteintes par la crise économique.
Que vaut ce projet ? Il est probablement moins large et moins généreux que ce qu'aurait voulu M. Borloo, engagé depuis longtemps dans une action fervente de charité laïque et resté assez jeune pour s'indigner encore de la misère. Il représente sûrement un plus. Il n'aura de réel impact que s'il démontre qu'on peut augmenter les effets de la reprise par des mesures sociales et qu'un gouvernement n'est pas fatalement ballotté par les cycles économiques.
On verra à l'usage si ces dix milliards sont bien dépensés ; ils ne le seront que s'ils accroissent les moyens de ceux qui ont le plus de besoins, que s'ils font passer un certain nombre de Français de l'état d'assistés à l'état de consommateurs. La tâche est difficile.
Deux batailles contradictoires.
M. Borloo court encore le danger, même s'il s'en défend, de n'être que l'alibi social du gouvernement. Son projet n'est d'ailleurs pas en phase avec la nécessité de réduire les déficits publics. Le gouvernement mène deux batailles contradictoires : il veut prouver tout à la fois sa rigueur financière et l'amour de son prochain.
La hausse de 5,8 % du smic, annoncée deux jours avant l'adoption du plan de cohésion sociale, est considérable ; elle comporte quelques avantages, comme celui de donner un peu plus aux plus mal payés, ou de mettre de l'ordre dans un système qui a été complètement chamboulé par la semaine des 35 heures. Tous les smic (il y en avait six) ont été alignés par le haut. Mais cela sera-t-il suffisant pour que le gouvernement Raffarin recueille la gratitude des masses populaires ?
A toutes les questions que soulève son action sociale, le gouvernement peut répondre qu'il travaille dans la durée et que, désormais, malgré les deux défaites électorales qu'il vient de subir, il peut se refaire une meilleure réputation. C'est effectivement ce qu'il y a de plus sage et de plus efficace à faire. C'est plus intéressant en tout cas que la pièce de théâtre que nous joue l'UMP. En tout cas, personne, à part peut-être l'opposition, n'a envie de décourager Jean-Louis Borloo.
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