ON A L’IMPRESSION, dès que l’on entre dans le musée d’Art moderne, de retrouver l’endroit exactement tel qu’il était, simplement rafraîchi. Pourtant, l’entreprise de réfection du musée et les travaux de mise aux normes sécuritaires qui y ont été effectués ont été considérables. Construit en 1937 à l’occasion de l’Exposition internationale, l’aile est du palais de Tokyo nécessitait une sérieuse rénovation que la mairie de Paris a entièrement financée. L’une des innovations majeures est dans le nouvel accrochage dans les salles qui abritent la collection permanente. Il a été repensé.
Le département contemporain du musée, l’ARC, accueille l’exposition de l’artiste Pierre Huyghe (jusqu’au 26 février), avec ses phrases écrites aux néons sur les murs. Mais l’événement de cette réouverture est à l’évidence l’exposition consacrée à Pierre Bonnard (1867-1947), qui réunit 90 peintures, ainsi qu’un ensemble de photographies et de dessins, et qui propose une nouvelle lecture de l’oeuvre du peintre Nabi, ce «classique moderne» qui frôla les limites de l’abstraction. Bonnard et son sujet de prédilection, les nus féminins, qu’il peint dans toutes les attitudes, sous tous les angles, baignés d’une lumière tantôt pastel, tantôt éclatante, par petites touches animées : séries des nus aux bas noirs (1893-1900), des nus dans la baignoire (« le Bain », 1936-1938, « Nu dans le bain au petit chien », 1941-1946), des nus au tub... Bonnard et ses terrasses du midi inondées de soleil et de couleurs chaudes, derrière lesquelles foisonnent des frondaisons luxuriantes. Bonnard et ses paysages normands aux tonalités radieuses (« Terrasse de Vernon » ou « Décor à Vernon »). Bonnard et les intérieurs intimistes, adorable cabinet de toilette, scènes de cuisine avec tarte aux cerises et bol de lait, où Marthe (la femme aimée) déjeune avec son chien sur une nappe à carreaux rouges et blancs, salles à manger dans lesquelles se lisent les détails du bonheur simple au quotidien, nature morte au chat...
Tout respire la plénitude, la légèreté, la grâce. Bonnard ne voulait pas «peindre la vie mais […] rendre vivante la peinture». Et ses toiles exultent, excitées par on ne sait quelle magie du pinceau. Il n’empêche, une implacable solitude et parfois une angoisse se dégagent de ces oeuvres. L’eau saumâtre et verdâtre de l’un des nus au bain, les portraits et les autoportraits désespérément silencieux, le ciel orageux au-dessus de Cannes sont là pour nous rappeler que le bonheur est fragile, que le temps passe et que sous l’insouciance apparente dort la mélancolie. Splendide.
« Pierre Bonnard. L’oeuvre d’art, un arrêt du temps », musée d’Art moderne de la Ville de Paris (11, avenue du Président-Wilson, Paris 16e, tél. 01.53.67.40.00, www.mam.paris.fr), jusqu’au 7 mai. Et aussi : la galerie Berthet-Aittouarès (29, rue de Seine, Paris 6e) expose jusqu’au 25 mars une sélection de 50 dessins de Bonnard datant de 1887 à 1940. L’Orangerie des musées de Sens (135, rue des Déportés-et-de-la-Résistance, 89100. Sens, tél. 03.86.83.88.90) présente jusqu’au 26 mars « Pierre Bonnard. Dessins d’une vie. 1885-1940 ».
A lire : « Bonnard et les Nabis » d’Albert Kostenevitch (éd. Parkstone, collection « Temporis », 208 pages, 39 euros) ; « Bonnard » de Jean Clair (éd. Hazan, 180 pages, 19 euros) ; « la Stratégie de Bonnard : couleur, lumière, regard » de Georges Roque (éd. Gallimard, collection « Art et Artistes », 288 pages, 23 euros) ; « Bonnard. La couleur agit » d’Antoine Terrasse (Découvertes Gallimard n° 376, nouvelle édition, 144 pages, 13,10 euros).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature