Le ministre de la Santé, Bernard Kouchner a, fin 2001, rappelé que la France est le pays qui consommait le plus d'antibiotiques et, conséquence directe, celui où il y avait le plus de résistances à ces antibiotiques. Le Dr J.-B. Vercken souligne que l'exemple du pneumocoque est sans doute le plus frappant car les pneumococcies sont potentiellement graves pouvant se compliquer et diffuser à l'ensemble de l'organisme, en sachant que les enfants sont les premières victimes du « tout-antibiotique ».
Eduquer aussi la population
Ce constat étant fait, il reste à analyser les causes du mésusage des antibiotiques, la formation insuffisante des médecins (on n'apprend pas à traiter les rhino-pharyngites en faculté) n'étant pas seule en cause. Pour en rester aux médecins, reconnaît le Dr Vercken, il est probable que beaucoup de médecins de ville apprécient mal le risque de prescrire des antibiotiques larga manu, car l'immense majorité d'entre eux n'a pas été confrontée à des accidents majeurs liés à la surconsommation d'antibiotiques. A contrario, ces médecins ont en mémoire que les antibiotiques ont entraîné la quasi-disparition de certaines formes graves de maladies infectieuses et la diminution des complications, en particulier du RAA et des mastoïdites.
Par ailleurs, insistent les Drs Vercken et Azria, il faut insister sur le fait que la mauvaise information des parents et des travailleurs sociaux sont des facteurs importants de surconsommation. Plus précisément, beaucoup d'idées fausses sont à combattre : non, les antibiotiques ne sont pas efficaces sur les maladies virales ; non, la fièvre n'est pas synonyme d'infections bactériennes ; non, les antibiotiques ne font pas baisser la fièvre et ne stoppent pas la toux ; non, ils ne préviennent pas les surinfections et n'ont donc aucun intérêt préventif dans les maladies virales.
Cette mauvaise information a des conséquences insoupçonnées car elle conduit les parents et les travailleurs sociaux à exercer une pression sur les médecins, une pression à laquelle il n'est pas toujours facile de résister. Comme le dit le Dr Azria, certains parents ne voient dans le refus de prescrire un antibiotique que la volonté de faire faire des économies à la Sécurité sociale, au détriment de la santé des malades, considérant le médecin comme mauvais ou inconscient et décidant d'aller en voir un autre qui se montrera, lui, plus compréhensif... Il est beaucoup plus facile et rapide de prescrire un antibiotique inutile que d'expliquer aux parents non seulement pourquoi celui-ci est inefficace mais qu'en plus il peut engendrer des problèmes pour l'enfant et pour la santé publique... Quand le cabinet est plein et que les patients attendent, ce n'est pas simple de trouver les dix minutes nécessaires pour corriger les idées fausses et convaincre des parents inquiets et/ou revendicatifs.
L'exemple de l'angine
L'exemple de l'angine pourrait servir de modèle à un progrès dans l'utilisation des antibiotiques, tout d'abord par la mise à disposition, enfin, des tests de diagnostic rapide. Encore faudrait-il que l'on mette le médecin généraliste dans les conditions matérielles lui permettant de gérer ce diagnostic sans se pénaliser trop financièrement. Par ailleurs, un chemin thérapeutique raccourci, avec l'azithromycine, est de nature à favoriser l'observance.
En effet, souligne le Dr Vercken, il ne faut pas dire que la sélection des résistances ne vient que d'une surconsommation d'antibiotiques : des antibiotiques prescrits à faible dose et sur des durées trop longues contribuent au développement de germes résistants tout comme des schémas thérapeutiques trop contraignants qui conduisent à des non-respects de la posologie ou de la durée de traitement. La mise au point d'antibiotiques administrés en une seule prise et le raccourcissement de l'antibiothérapie sont donc des évolutions favorables à la fois à l'observance et à la prévention de l'émergence des résistances.
Une évolution nécessaire mais pas de mauvais procès
En définitive, il est incontestable que le bon usage des antibiotiques doit être promu dans notre pays, afin, notamment, de prévenir et même de faire reculer les phénomènes de résistances. Mais, soulignent les deux orateurs, un tel objectif ne peut être atteint qu'en agissant simultanément sur tous les facteurs sans dogmatisme et sans procès hâtif. En effet, on ne peut pas nier que la surconsommation d'antibiotiques chez l'enfant est liée, comme le prouvent les chiffres, à un meilleur accès aux soins médicaux dans notre pays ; meilleur accès qui fait que la population française est la plus satisfaite au monde de son système de santé. Par ailleurs, on l'a vu, il faut éviter les simplifications d'autant que peu de pathologies infectieuses ont des schémas thérapeutiques clairement établis, notamment en ce qui concerne la durée des traitements. On peut penser, en effet, qu'une approche globale et dépassionnée serait sans doute la plus efficace.
(1) Session organisée avec le concours des Laboratoires Pfizer.
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