De notre envoyé spécial
L ES médicaments de prescription, qui représentent 77 % des ventes du groupe allemand Boeringher Ingelheim, ont atteint un chiffre d'affaires de 31,5 milliards de francs (4,8 milliards d'euros) en 2000, ce qui traduit une augmentation de 23 % par rapport à 1999 : le quart de ces ventes provient de quatre produits lancés au cours des cinq dernières années (Combivent, Viramune, Mobic et Tamsulosine). De nouveaux produits ou de nouveaux développements de produits déjà sur le marché devraient largement amplifier ce phénomène cette année.
Une notoriété renforcée dans le respiratoire
L'Atrovent est toujours le produit leader du groupe, avec la commercialisation de Combivent (association avec du salbutamol). Boehringer Ingelheim a réalisé le tiers de son chiffre d'affaires en pneumologie.
Le lancement de Spiriva, anticholinergique de nouvelle génération (tiotropium) devrait accentuer ce mouvement. Tout d'abord, parce que le dossier clinique du produit (plus de 3 000 patients) met en évidence sa très bonne efficacité dans les BPCO (effet bronchodilatateur prolongé, avec réduction significative de la symptomatologie, du nombre de poussées et d'hospitalisations) ainsi que sa bonne tolérance. Ce médicament couvrant le nycthémère avec une seule prise par jour dispose d'un marché potentiel énorme, puisque l'on estime à 600 millions le nombre de BPCO dans le monde. Enfin, Boehringer Ingelheim a récemment conclu un accord de comarketing mondial avec Pfizer, numéro un de la pharmacie mondiale, dans le but de faire de Spiriva un « blockbuster » dont les ventes pourraient dépasser le milliard de dollars (7,7 milliards de francs environ).
Autre produit issu de la recherche Boehringer Ingelheim, le telmisartan (Micardis), inhibiteur de l'angiotensine II, devrait être développé, notamment grâce à l'étude ONTARGET (ONgoing Telmisartan Alone and in Combination with Ramipril Global Endpoint Trial) qui sera réalisée sur plus de 28 000 patients recrutés par 700 sites répartis dans le monde entier.
ONTARGET comparera l'efficacité à réduire les événements cardio-vasculaires (décès, infarctus, AVC, hospitalisation pour insuffisance cardiaque) du telmisartan en monothérapie, d'un IEC (ramipril) en monothérapie et de l'association des deux produits. Cette étude randomisée en double aveugle inclura des patients âgés de plus de 55 ans, ayant des antécédents de coronaropathie, d'AVC, de pathologie vasculaire périphérique ou de diabète, associés à au moins un autre facteur de risque cardio-vasculaire (HTA, hypercholestérolémie, HDL bas, tabagisme, microalbuminurie confirmée). Les résultats d'ONTARGET qui commenceront à la fin de 2001 sont attendus en 2006.
Après Actilyse, Metalyse
Actilyse avait fait de Boehringer Ingelheim un laboratoire leader dans le monde de la thrombolyse. Le lancement de Metalyse - produit en codéveloppement avec Genentech - va sûrement conforter cette place. En effet, le tenectephase, obtenu par génie génétique à partir du tPa naturel, a été choisi parmi plus de 1 000 variants de l'activateur tissulaire du plasminogène pour obtenir un thrombolytique ayant une clairance hépatique réduite, plus fibrinospécifique et plus résistant à l'action du PAI-I. L'efficacité de Métalyse est comparable à celle d'Actilyse, mais sa tolérance est renforcée (réduction de près de 25 % des hémorragies extracérébrales majeures). Surtout, ce produit peut être administré en bolus unique de 5 à 10 secondes, en préhospitalier (SAMU/SMUR) ; un atout majeur quand on sait que la rapidité de la mise en place de la thrombolyse est déterminante pour le pronostic de l'infarctus.
Viramune (nevirapine) a acquis une place particulière dans le domaine du SIDA dans la mesure où ce premier inhibiteur non nucléosidique représente une alternative aux antiprotéases, notamment en présence d'anomalies de la glycorégulation et une hyperlipidémie. Par ailleurs, une étude publiée dans le « Lancet » l'année dernière a montré qu'une simple dose Viramune était la façon la plus efficace et la plus simple de prévenir la transmission mère-enfant du VIH. Un espoir considérable pour les pays en voie de développement.
Ce constat a conduit Boehringer Ingelheim à lancer, en juillet 2000, le Viramune Donation Program : pendant cinq ans, Viramune sera donné gratuitement aux femmes enceintes des pays pauvres ce qui, à terme, pourrait protéger 400 000 enfants du SIDA. Par ailleurs, ce programme implique une collaboration plus globale avec les autorités des pays concernés, ce qui est le prérequis du succès. Plus de 12 pays africains ont déjà exprimé leur intérêt pour le programme (38 autres devraient suivre) : le Congo Brazaville, le Sénégal et le Rwanda ayant été les premiers à recevoir du produit gratuitement.
Des initiatives qui permettent au Pr Rolf Krebs, président du groupe, de souligner qu'il trouve particulièrement injuste le procès que l'on fait continuellement aux laboratoires pharmaceutiques qui, comme toute industrie, cherchent à protéger leurs brevets. « Les principales firmes engagées dans la lutte contre le SIDA, explique-t-il, ont fait et feront d'énormes efforts pour aider l'Afrique, en particulier par des baisses de prix drastiques. Mais le prix n'est pas tout et des progrès décisifs ne pourront être enregistrés qu'à travers une collaboration constructive avec les pays concernés par la pandémie, et sûrement pas par des procès a priori et des dialogues de sourds. »
Tous ces éléments conduisent le Pr Krebs à affirmer que Boehringer Ingelheim est prêt pour affronter les défis de la pharmacie moderne, tout en restant indépendant. Il remarque que le groupe, comme tous les grands groupes européens, est de plus en plus tributaire du marché américain : les Amériques représentent 50 % des ventes de Boehringer Ingelheim en l'an 2000 (36,4 % pour les Etats-Unis) et le taux de croissance dépasse les 30 % aux Etats-Unis, au Canada et au Mexique. Du même coup, l'Europe ne représente plus que 31 % des ventes de Boehringer Ingelheim pour la pharmacie de prescription et dans la quasi-totalité des pays européens, le taux de croissance des ventes, pour l'an 2000, est bien inférieur à 10 %. Il est même quasiment nul en Allemagne. Décidément, on ne peut pas dire que les marchés intérieurs stimulent l'industrie pharmaceutique européenne.
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