CELA S'APPELLE le Dumenat. Le département universitaire des médecines naturelles. Alors même que ses partisans n'aiment pas le terme « naturelles » et préfèrent qualifier ces médecins de « complémentaires » ou d'« alternatives » . Le département a été créé en 1980 par le doyen de la faculté de médecine Paris-XIII, le Pr Pierre Cornillot. Le Pr Dumenat propose des enseignements destinés aux médecins et aux autres professionnels de santé, portant sur l'acupuncture, l'homéopathie, la naturopathie, l'ostéopathie et la phytothérapie. «C'était la première tentative pour créer un corpus d'enseignement de médecines complémentaires au sein de l'université alors que, jusqu'à présent, ces disciplines étaient enseignées dans des écoles privées ou bien… en Chine», explique au« Quotidien » le Pr Antoine Lazarus, qui a pris la relève du Pr Cornillot. Et, aujourd'hui encore, Bobigny est la faculté qui regroupe le plus grand nombre de ces enseignements en France. «Pour certaines, l'intégration était assez simple, mais, s'agissant de la pharmacopée chinoise ou de l'acupuncture, il faut convenir qu'on est là dans un autre monde, un autre système de pensée, que l'on fait référence à des théories médicales qui ne relèvent pas du tout de la médecine occidentale actuelle. Alors, se demander si ces disciplines peuvent entrer à l'université posait une vraie question philosophique.» Aux cinq matières du début se sont ajoutées progressivement la mésothérapie puis l'acupuncture auriculaire et l'acupuncture obstétricale.
Les alternatives en P1.
«La population est de plus en plus demandeuse de ces médecines, mais il existe peu de structures», estime le Dr Gérard Delahaye, administrateur du site documentaire du Dumenat et chargé d'enseignement de l'homéopathie et de l'acupuncture. «Certains auteurs ont évoqué le terme de “new age” à propos de l'usage de ces médecines alternatives. Je crois que l'on peut se demander si l'enthousiasme de la population n'est pas plutôt la rançon du progrès de la médecine. Les patients peuvent avoir peur de l'ultratechnologie. Cela va aussi de pair avec les changements de comportement à l'égard de l'écologie, de l'environnement», analyse-t-il. «En France, tout le monde s'accorde à dire qu'il y a matière à recherche sur les médecines complémentaires mais le financement ne suit pas. Le nombre de médecins acupuncteurs est très limité. Et nous ne sommes pas prioritaires.»
Lorsque le Pr Lazarus, créateur du département de santé publique à Bobigny, a pris la direction des enseignements du Dumenat, «l'objectif était clair, précise encore le Dr Delahaye, et c'était une condition:il fallait qu'une information soit délivrée auprès des étudiants en médecine au cours de leur cursus scolaire “normal” ». Ainsi, une conférence, optionnelle, sur ces pratiques alternatives est proposée en première année de médecine. «Les étudiants sont ravis et, chaque année, ils sont de plus en plus nombreux et demandeurs d'une information complémentaire dans la suite de leur cursus», estime le Dr Delahaye. Ce qui serait précisément à l'étude.
Actuellement, ceux qui s'inscrivent au Dumenat sont en grande majorité des généralistes installés, qui souhaitent enrichir leur pratique ordinaire. «C'est d'ailleurs ce qui nous distingue des écoles privées, souligne le Pr Lazarus, qui, elles, forment essentiellement des non-médecins, notamment des double recalés de P1. L'enjeu pour demain sera de savoir si, progressivement, l'université forme seule à ces disciplines ou si elle en partage l'enseignement avec les écoles privées, sachant que, au bout du compte, c'est l'université qui délivre les diplômes.»
«Mon objectif est simple, dit encore le directeur des enseignements : améliorer la manière de pratiquer la médecine.»
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature