Les traumatismes de la moelle épinière font 1 100 nouvelles victimes/an en France. Ils touchent une population jeune et sont trois fois plus fréquents chez les hommes. La performance des techniques de rééducation, en développant l'autonomie des patients, permet à ces derniers de développer une vie sexuelle et d'envisager une possibilité de procréation.
Toutefois, les techniques de prise en charge spécifique de la fonction génito-sexuelle sont des techniques compensatrices, qui doivent s'intégrer dans le traitement des autres dysfonctionnements provoqués par la lésion. La prise en charge de l'homme blessé médullaire (BM) est avant tout pluridisciplinaire. Elle doit à la fois analyser la plainte sexuelle et identifier la demande, évaluer le potentiel sexuel résiduel et faire la distinction entre les facteurs organiques et psychologiques responsables de la dysérection. C'est pourquoi un état clinique stable, ainsi qu'un équilibre de la spasticité, de la fonction vésico-sphinctérienne et ano-rectale doit être obtenu.
La pléthysmographie diurne
Après avoir éliminé les causes iatrogènes d'impuissance (antispastiques et antidépresseurs), l'interrogatoire, l'examen clinique, et surtout la pléthysmographie diurne permettent d'obtenir une bonne évaluation du potentiel érectile résiduel. L'érection dépend de deux circuits médullaires : celui dit « réflexe », qui passe par S2 S3 S4, et l'autre dit « psychogène », qui passe par D11 D12 L1 L2. Lorsque seule l'érection réflexe fonctionne, elle est imprévisible, gênante et provoque une rigidité insuffisante. De plus, elle s'accompagne d'une éjaculation retardée. Si seule l'érection psychogène fonctionne, elle s'accompagne d'une éjaculation baveuse, précoce et molle.
Pour améliorer ces érections, différents moyens peuvent être utilisés :
- le garrot pénien. Il a pour but d'empêcher la fuite veineuse, mais nécessite un début d'érection. Son utilisation est simple mais ne doit pas dépasser de 15 à 30 min ;
- le vacum. Il nécessite un apprentissage progressif. En faisant alterner des phases de tumescence et de détumescence, il permet la rééducation de la sensibilité proprioceptive des patients qui l'ont conservée ;
- les injections intracaverneuses sont performantes. Les prostaglandines (Pg E1), et les alphabloquants (alpha1 sélectif) donnent de bons résultats sans effets secondaires ;
- la « muse » est une alternative aux injections intracaverneuse (lire aussi en p. 11). Elle est constituée d'un tuyau de plastique transparent de 7 cm que l'on introduit dans l'urètre et à l'intérieur duquel on injecte un gel de prostaglandine. Ce procédé est simple mais nécessite la conservation du produit au froid.
Tous ces produits ne sont actuellement pas remboursés.
Le sildénafil donne 80 à 90 % de bons résultats. Contre-indiquée lors de traitements par les dérivés nitrés, sa prise ne doit pas dépasser 1 comprimé/jour. Enfin, l'obtention d'une bonne érection ne doit pas être le seul objectif. La prise en charge doit être complétée par une sexothérapie (psychothérapie corporelle mais aussi cognitivo-comportementale), car le blessé médullaire n'est pas seulement un individu mais vit aussi un couple.
Stimulations vibratoires
Les éjaculations spontanées, très rares chez ces patients, peuvent être stimulées de façon mécanique ou pharmacologique. Les stimulations vibratoires effectuées par un vibreur de type « Ferticare Personal » sont efficaces. L'utilisation de l'appareil est simple et peut se faire au domicile. En revanche, l'électrostimulation endorectale n'est utilisée qu'en dernier recours, sous contrôle médical.
Deux molécules permettent au patient d'obtenir une érection réflexe quand celle-ci n'est pas possible par vibreur seul : l'esérine qui, grâce à sa voie d'administration en sous-cutané, peut être utilisée au domicile ; la midodrine, réservée à l'usage hospitalier en raison de son administration intraveineuse.
Enfin, en cas d'échec de ces méthodes, il est alors possible de recueillir le sperme par des ponctions déférentielles ou épididymaires chirurgicales.
La qualité de sa vie sexuelle
L'adolescent blessé médullaire pose un problème particulier. Dans une période où la tolérance à la maladie décroît, il posera tôt ou tard des questions concernant la qualité de sa vie sexuelle et de sa fertilité. Il importe donc de savoir anticiper, en fournissant au jeune blessé les informations les plus claires et les plus précises. Une première information peut être apportée lors du séjour en service de rééducation fonctionnelle.
Dans un deuxième temps, pour les adolescents volontaires et motivés, une information plus complète peut-être donnée lors de consultations spécialisées, avec essais de stimulation de l'éjaculation, ainsi qu'une étude des possibilités de conservation du sperme au CECOS.
En ce qui concerne la procréation, il est nécessaire de faire comprendre à chaque patient l'intérêt d'une conservation spermatique de précaution, avant que ne surviennent les complications infectieuses urologiques, fréquentes, touchant 25 % des patients sondés plusieurs fois par jour (infections urinaires, prostatites et parfois orchites, récidivantes). A ce titre, la présence en un même lieu des services de rééducation à orientation neurologique et du CECOS, semble être une condition indispensable à une bonne prise en charge de ces adolescents.
Les femmes blessées médullaires
L'amélioration des techniques de rééducation fait qu'un plus grand nombre de femmes blessées médullaires sont désireuses de mettre en route une grossesse. Celle-ci n'est pas contre-indiquée mais, en raison des modifications qu'elle entraîne (prise de poids, modification des appuis, diminution de la mobilité), nécessite une surveillance particulière. Il faut à tout prix éviter les escarres, lutter contre les infections urinaires et prévenir les complications thrombo-emboliques.
Afin de dépister à temps le début du travail, les patientes doivent être surveillées dès la 28e semaine d'aménorrhée. Celles dont l'atteinte est supérieure à D10 et qui n'ont donc pas de sensibilité utérine sont systématiquement hospitalisées dès la 36e semaine. Une analgésie péridurale continue systématique est mise en place, dès le début du travail, chez toutes les patientes présentant une lésion haute, l'accouchement se faisant par césarienne.
Enfin, la période du post-partum doit être surveillée, car les jeunes mères, débordées par leur maternité, ont tendance à négliger leurs soins quotidiens et développent des escarres et des infections urinaires. La procuration d'une aide lors du retour à la maison est alors très utile.
D'après les communications des Drs P. Denys, N. François, J.-J. Labat, K. Charvier, J.-M. Soler, E. Egon, « Blessés médullaires et reproduction » lors des 6es Journées de la Fédération française d'étude de la reproduction.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature