Un numéro contre le bizutage

Bizuteurs... tremblez !

Publié le 15/09/2004
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A GRAND RENFORT médiatique, les « p'tits nouveaux » de cette rentrée universitaire ont été tenus informés d'une ligne téléphonique mise à leur disposition qui leur permet de dénoncer des actions de bizutage accomplies ou en projet.
Jean-Claude Delarue, professeur d'anglais à l'université, a fondé en 1987 une antenne de la Fédération des usagers des transports et du service public (elle-même créée dans les années 1970) intitulée SOS Bizutage.
« S'il ne s'agissait que de mousse à raser sur le nez, on n'en serait jamais arrivé là », regrette Jean-Claude Delarue. Cette même année, il était le témoin dans le jardin du Luxembourg, à Paris, d'une triste initiation durant laquelle les jeunes élèves devaient avaler une mixture tellement répugnante qu'elle provoquait des vomissements, lesquels devaient être recrachés dans la marmite (et donc avalés par les victimes suivantes...). « La séance avait été annoncée de façon assez amusante dans la presse », se souvient Jean-Claude Delarue. « C'est l'affaire qui a déclenché la réaction du grand public. »

Des comptes à rendre.
Depuis dix-sept ans que l'association lutte contre le bizutage, on a pu en constater le recul notable, lié notamment aux conséquences néfastes que de telles pratiques produisaient sur l'image de marque de certaines grandes écoles. La loi proposée par Ségolène Royal en 1998, interdisant bel et bien le bizutage, y a été aussi pour beaucoup. « Elle a considérablement amélioré les choses », admet Jean-Claude Delarue, rappelant que SOS Bizutage avait alors été consultée par la ministre déléguée chargée de l'Enseignement scolaire. Mais il semble qu'il reste encore beaucoup à faire, notamment au sein des grandes écoles privées et d'ingénieurs.
Tous les bizutages ne sont pas ouverts, francs et massifs. Si certains sont clairement annoncés à coups de « bizuts, tremblez ! » et de ce fait bien reconnaissables, d'autres peuvent être plus secrets. « D'ailleurs, à la base, cela devrait pouvoir être quelque chose de sympa », déplore Jean-Claude Delarue.
« Nous observons d'abord le caractère volontaire de la participation à l'événement proposé », explique-t-il. Mais celui-ci peut être déguisé, notamment dans les établissements où l'on prêche l'esprit de groupe, où l'on valorise l'appartenance à une « grande famille ». « Plutôt que de passer pour une "couille molle" , les jeunes, particulièrement influençables à cet âge-là, préfèrent accepter et ne pas se distinguer des autres. »
Dès qu'un week-end d'intégration signalé lui semble suspect, l'association prend d'abord contact avec les chefs des établissements concernés et peut aller jusqu'à signaler le cas aux autorités et à la presse. « Lorsque l'on demande aux organisateurs si un journaliste peut participer au week-end d'intégration, la réponse que l'on reçoit est pour nous un test radical. »
Quiconque compose le 06.60.29.43.76 se retrouve en contact direct et quasiment 24 heures sur 24 avec l'un des membres de l'association. Pour le moment, Jean-Claude Delarue n'a reçu que peu d'appels. Mais il est vrai que les rentrées universitaires n'ont pas encore eu lieu. Certaines associations d'étudiants seraient en train de s'engager dans des actions de sabotage de bizutages prévus pour cette rentrée et de regrouper des témoignages isolés en vue d'actions en justice afin d'en finir une bonne fois pour toutes avec le traumatisme du bizut.

SOS Bizutage 06.60.29.43.76 , sos-bizutage.com.

> AUDREY BUSSIÈRE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7591