Biotox : le plan Kouchner contre le bioterrorisme

Publié le 07/10/2001
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« De la santé publique, rien que de la santé publique, ni plus, ni moins. » Flanqué de son habituelle « dream team » (le Pr Jacques Drucker, directeur de l'Institut de veille sanitaire, le Pr Lucien Abenhaïm, directeur général de la Santé et Philippe Duneton, directeur de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé), renforcée pour l'occasion par le secrétaire général de la Défense nationale, Jean-Claude Mallet, et par le médecin-général des armées Michel Meyran (directeur central du Service de santé), Bernard Kouchner ne veut en aucun cas se départir de son rôle habituel de maître d'œuvre du principe de précaution.

En ayant soin de « ne pas appuyer trop fort sur la pédale du risque et de l'anxiété », considérant qu'en l'espèce le silence inquiète plus que le souci d'une certaine transparence, le ministre délégué à la Santé a donc présenté les principales mesures de Biotox : au titre de la prévention, les sites de production pharmaceutique et, d'une manière générale, les lieux de stockage jugés sensibles, vont être renforcés (« le Quotidien » du 1er octobre), tout comme les circuits de production et de circulation de produits biologiques à risque (peste, charbon, brucellose, variole, agents des fièvres hémorragiques, Clostridium botulinum et toxines botuliques, entérotoxines B du staphylocoque, saxitoxines, ricine, toxine diphtérique). L'eau sera sécurisée quant à elle dans le cadre du plan Vigipirate renforcé, avec une utilisation appropriée de la chloration.

Le charbon, nouvelle maladie à déclaration obligatoire

Au chapitre de l'alerte, sous l'égide de l'Institut de veille sanitaire (InVS), la liste des maladies à déclaration obligatoire va « très prochainement » être complétée par le charbon, son bacille représentant, selon Bernard Kouchner, l'agent pathogène « certainement le plus préoccupant ». L'attention des médecins est en outre attirée sur tous les phénomènes inhabituels : symptôme ou situation clinique anormale, grave, infectieux ou toxique aigu, susceptible de constituer un élément d'alerte. Et une veille microbiolgoque assurée vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans les laboratoires hospitaliers (11 laboratoires civils et 2 laboratoires militaires) permettra si besoin de lancer l'alerte.
Naturellement, Biotox prévoit une mobilisation des SAMU et des hôpitaux en cas de crise. Neuf hôpitaux référents on été retenus, situés dans les préfectures de sept zones de défense, auxquelles ont été associés Strasbourg et Rouen. Les agents de leurs services de maladies infectieuses vont recevoir des outils d'information et de formation sur les conduites à tenir, déjà en cours de diffusion, ainsi que des livrets techniques qui précisent les modalités de prise en charge des personnes exposées à des agents biologiques ou chimiques.
Bernard Kouchner a rappelé que les hôpitaux reçoivent en permanence des malades porteurs de germes transmissibles, comme la tuberculose, et que les mesures d'isolement septique qui y sont normalement pratiquées sont adaptées à la prise en charge de l'ensemble des maladies infectieuses. Un effort particulier, en revanche, paraît nécessaire pour renforcer les capacités d'intervention en réanimation, avec un accroissement des équipements et du matériel de première urgence.
Pour la disponibilité des produits de santé, Philippe Duneton a assuré que la France disposait de cinq millions de doses de vaccin antivariolique. Un stock jugé « suffisant » par le Pr Lucien Abenhaïm, qui n'envisage pas actuellement de relancer la vaccination obligatoire, compte tenu, d'une part, de ses « effets secondaires parfois très graves » et, d'autre part, du caractère forcément localisé des éventuels foyers d'infection : une épidémie de caractère national semble « inimaginable » pour Bernard Kouchner.
Contre le charbon, le directeur de l'AFSSAPS estime que les quelques centaines de milliers de doses d'antibiotiques (ciprofloxacine et doxycycline) que l'on peut mobiliser en cas de nécessité « nous permettent de faire face ». Aucun chiffre, en revanche, ne peut être annoncé sur le nombre de masques qui pourraient faire l'objet de distribution dans la population. « Nous ne souhaitons pas divulguer d'informations sur nos capacités en ce domaine », explique le secrétaire général de la Défense nationale. Au demeurant, précise le ministre de la Santé, les masques ne constituent pas une précaution pertinente pour les attaques biologiques ; « tout au plus, convient-il, permettent-ils de se protéger pendant une heure au maximum en cas d'attaque chimique par gaz ». Silence également de rigueur sur la localisation des sites de stockages vaccinaux et sur les établissement hospitaliers retenus comme centres référents.

Christian DELAHAYE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6983