Comme l'avait annoncé au « Quotidien » (du 25 septembre) le Pr Gilles Brucker, chargé des alertes sanitaires au cabinet de Bernard Kouchner, le gouvernement met au point un plan de sécurité contre le terrorisme chimique et biologique. Certaines de ces dispositions font l'objet d'une classification dite à « diffusion restreinte ». C'est le cas de « Piratox », le plan qui prévoit une organisation spécifique des secours et dont la description détaillée est interdite. On a tout juste appris que des masques respiratoires à cartouche filtrante ont été mis en place dans tous les véhicules dont disposent les 6 800 pompiers de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris.
Deux arrêtés ministériels
D'autres mesures, en revanche, font l'objet de publicité, comme les nouvelles conditions de sécurité désormais appliquées aux principaux agents pathogènes. « Considérant qu'un emploi frauduleux de ces agents, micro-organismes pathogènes et toxines serait de nature à présenter un danger pour la santé publique », le ministère de la Santé vient de publier au « Journal officiel » deux arrêtés qui classent dorénavant sur la liste I des substances vénéneuses les agents de maladies infectieuses et micro-organismes pathogènes suivants : agents des fièvres hémorragiques, brucellose, charbon, clostridium botulinum, peste, variole, pox virus et ricine.
De surcroît, un régime extrêmement contrôlé encadre désormais chacun de ces agents pour « les opérations agricoles, artisanales, commerciales, industrielles et à des fins de recherche ou d'enseignement. » En particulier, tout vol ou détournement devra être signalé sans délai aux autorités de police et à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).
Une priorité
Directeur de la communication d'Aventis-Pasteur, le Dr Robert Sebag confirme qu'au sein de son groupe les mesures dites de biosécurité déjà en vigueur font l'objet d'un renforcement général. « Cette préoccupation est traditionnellement un souci majeur pour nous, avec des laboratoires classés P1, P2, P3 ou P4, mais depuis deux semaines, nous enchaînons réunion sur réunion avec des groupes de travail autour de ce qui est devenu priorité. En particulier, nous sommes attentifs à la gestion de nos stocks de produits vivants et nous dépistons les commandes de vaccins et de substances transformables qui semblent anormales. »
Le groupe pharmaceutique s'interroge par ailleurs sur la production de réponses thérapeutiques aux divers agents pathogènes qui pourraient constituer des armes bioterroristes. « Pour la toxine botulique, par exemple, explique le Dr Sebag, nous disposons d'un sérum équin pour lequel nous maîtrisons le savoir-faire, même si le processus est complexe. Concernant le vaccin antivariolique, aucune décision de remise en production n'a été prise à ce jour. La fabrication en a été arrêtée en 1979, lorsque la maladie a été déclarée éradiquée par l'Organisation mondiale de la santé, deux ans après le dernier cas connu, en Somalie. »
A l'époque, le vaccin, très peu purifié, exposait à d'importants effets secondaires (risques d'encéphalite) et, selon Aventis-Pasteur, il ne passerait probablement plus aujourd'hui les contrôles sanitaires de l'AMM.
En tout état de cause, un nouveau vaccin pourrait être élaboré, toujours à partir de la vaccine disponible en France, la souche de la variole seulement conservée aux Etats-Unis et en Russie n'étant pas utilisée pour l'élaboration du vaccin. Les procédures industrielles nécessiteraient cependant un délai de l'ordre de deux ans avant une nouvelle mise sur le marché.
Pour l'heure, l'inquiétude grandit en 0ccident. C'est ainsi que les New-Yorkais se précipitent depuis deux semaines sur l'antibiotique Cipro, présenté comme l'un des seuls traitements possibles en cas d'exposition à l'anthrax. Utilisé contre certaines infections, ce produit du Laboratoire Bayer est acheté ces derniers temps à des doses de 60 comprimés, alors qu'il est d'ordinaire prescrit à raison de 10 ou 20 comprimés pour un traitement d'une semaine. Les pharmaciens, rapporte l'Agence France-Presse, ont été conduits à augmenter leurs stocks en conséquence, malgré le scepticisme exprimé par la communauté scientifique sur l'utilité de ce médicament en cas de contamination terroriste.
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