Le Dr Daniel Lévy-Bruhl, épidémiologiste au département des maladies infectieuses de l'InVS, distingue quatre degrés dans « la plausibilité de la menace d'une épidémie de variole en France » : la situation 1, qui correspond à celle que nous connaissons aujourd'hui, en France comme dans le reste du monde, avec une menace seulement potentielle en l'absence de toute information sur la possession du virus de la variole par des groupes terroristes ; la situation 2, caractérisée par des informations ou des faits qui rendent plausibles une action terroriste à partir du virus ; la situation 3, avec un cas au moins confirmé en dehors du territoire national ; et la situation 4 avec au moins un cas diagnostiqué en France.
Les comptes des risques vaccinaux
Pour proposer les parades vaccinales appropriées à ces quatre contextes, les épidémiologistes de l'InVS ont dans un premier temps fait les comptes des risques vaccinaux. Un exercice périlleux eu égard à l'hétérogénéité des données disponibles dans la littérature ; leur variabilité reflète des méthodologies très diverses d'une étude à l'autre.
Compte tenu de l'estimation du statut vaccinal de la population française générale, les effets indésirables d'une vaccination de tous les Français (35 214 535 vaccinations, primo-vaccinations et revaccinations confondues) concerneraient un total de 880 personnes et entraîneraient 317 décès. Dans le cas d'une vaccination de l'ensemble des personnels de soins, de secours et apparentés, on dénombrerait entre 6 et 8 décès (population à vacciner : 1 200 000, couverture actuelle en primo-vaccination : 75 %).
A partir de ces éléments, les quatre scénarios vaccinaux envisagés vont de l'abstention vaccinale à une stratégie de vaccination élargie à une région géographique.
A la situation 1, « tant que le risque réel de complications de la vaccination ne peut être mis en balance avec le risque théorique d'exposition au virus », l'InVS juge la vaccination inappropriée. De même, compte tenu de la létalité probable, la vaccination du personnel de soins ne paraît pas non plus justifiée.
Dès lors que des informations seraient vérifiées sur une action terroriste plausible (situation 2), la vaccination de l'ensemble de la population ne serait toujours pas envisagée. De même pour l'ensemble des personnels de santé et de secours : la vaccination consommerait une proportion importante des stocks de vaccins actuellement disponibles et la balance bénéfice/risque ne serait pas probante. En revanche, pourrait être privilégiée une vaccination sélective des équipes hospitalières sélectionnées dans les principaux centres hospitaliers (un par département) qui pourraient prendre en charge les éventuels premiers cas suspects ou confirmés.
En cas de survenue d'un cas variolique à l'étranger (situation 3), l'InVS ne modifierait pas ses préconisations pour l'ensemble de la population française. Mais elle juge alors « souhaitable (...) d'étendre la stratégie de vaccination préventive, au-delà des équipes hospitalières dédiées, à l'ensemble des praticiens et des personnels de soins de première ligne susceptibles d'avoir à examiner ou d'être en contact avec des patients atteints de variole, avant que le diagnostic ait pu être confirmé (médecins généralistes, pédiatres, personnel des urgences...) ».
Une vaccination ciblée
Pour la situation 4, caractérisée par la confirmation d'un cas au moins en France, il semble « vraisemblable » aux épidémiologistes que seraient ciblées des populations urbaines. La vaccination très large autour des tout premiers cas, ferait courir le « risque d'une consommation d'une proportion importante des doses de vaccins disponibles (...) Des doses qui risquent alors de manquer pour la vaccination ciblée autour de chaque cas suspect ou confirmé, lors des générations secondaires de transmission ».
Dans ce cas, souligne le Dr Lévy-Bruhl, la vaccination des sujets contacts d'un cas constitue la plus efficace et la plus efficiente des différentes stratégies envisagées. D'un point de vue purement théorique, il est possible de « prévenir la transmission de la maladie par la mise en uvre immédiate de ces mesures si pour chaque cas index le diagnostic est suffisamment précoce et la mise en uvre des mesures de contrôle suffisamment rapide pour éviter toute infection secondaire ».
S'agissant du personnel de santé, selon la disponibilité des doses de vaccins, la vaccination pourrait intéresser ou non l'ensemble des professionnels, selon le degré de mobilisation des équipes, celle des personnels de première ligne devant être évidemment mise en uvre le plus rapidement possible.
Quant à la vaccination élargie à une région géographique où des cas ont été confirmée, elle est envisageable sous réserve qu'elle ne consomme pas les stocks nécessaires à la vaccination des sujets contacts dans d'autres régions.
Enfin, ce n'est que dans le cas où l'épidémie ne pourrait être rapidement contrôlée qu'une vaccination de masse pourrait être envisagée. Sous réserve, naturellement, que toutes les questions qu'elle pose (stocks, logistique, économie, droit et éthique) aient été « envisagées sur la base d'une analyse bénéfice-risque actualisée ». Comme le disait le Pr François Bricaire, expert auprès du ministre de la Santé, « il faut que les choses restent évolutives » (« le Quotidien » du 23 octobre).
Document disponible sur le site de l'InVS : www.invs.sante.fr
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