« Nous avons déployé le filet de pêche le plus large possible. Mais notre chalut ne s'intéresse qu'à certaines catégories de poissons... qui n'ont pas encore été pêchés. » En usant de la métaphore maritime, le Pr Jacques Drucker, directeur général de l'Institut de veille sanitaire (InVS), n'est pas allé jusqu'à exprimer ouvertement sa crainte de voir les mailles du filet déployé par les épidémiologistes s'ouvrir à cause du nombre des fausses alertes. Mais il n'en pas moins avoué que « sur la ligne de crête où nous évoluons depuis le 11 septembre, notre marge de manuvre est des plus étroites ».
Certes, aucune MDO (maladie à déclaration obligatoire) n'a été enregistrée en relation avec un acte de malveillance biologique. Mais les signalements de phénomènes inhabituels sont légion. Ils répondent à la recommandation faite par la direction générale de la Santé de « signaler sans délai et selon les mêmes modalités tout syndrome infectieux ou toxique aigu et grave, a fortiori s'il entraîne le décès, présentant l'une ou plusieurs des caractéristiques suivantes : symptomatologie inhabituelle, étiologie ou origine difficilement explicable, survenue groupée ou maladies non répertoriées dans la liste, liées à des agents infectieux ou toxiques identifiés inhabituels ou peu fréquents (par exemple les infections à Poxvirus, la ricine, la tularémie...), en particulier, qui surviendraient dans des conditions inhabituelles d'exposition ».
Quadrature du cercle
Cette « recommandation » de signaler ne repose pas sur un texte réglementaire. « Décrire de manière fine tout ce qui nécessite d'être signalé eût relevé de la quadrature du cercle », explique le Dr Jean-Claude Desenclos, responsable du département des maladies infectieuses à l'InVS.
On s'en remet donc au jugement du généraliste pour faire le tri, en évitant qu'en période d'épidémie de grippe, le standard des DDASS ne saute pour des états fébriles accompagnés de céphalées.
Et c'est là qu'au cur du dispositif de santé publique activé dans le cadre de Biotox, les responsables ont hâte d'affiner dès que possible les critères de signalement. « Nous pourrons les rendre plus spécifiques et éviter les alertes sur n'importe quoi lorsque nous aurons analysé l'ensemble des données recueillies actuellement, précise le Pr Drucker. C'est tout l'enjeu de la rétroinformation que nous souhaitons publier pour faciliter le tri entre des événements habituels et ceux qui se rapportent à un risque réellement notable pour autrui. Somme toute, il faut cerner le syndrome bizarre avec plus de précision. »
A terme, cette expérience pourrait développer dans la culture des médecins généralistes un réflexe d'alerte en santé publique semblable à celui qui existe dans les pays scandinaves ou dans les pays anglo-saxons. Les omnipraticiens, à la faveur de Biotox, devraient s'aguerrir dans leur rôle de soldats en première ligne de l'alerte épidémiologique tous azimuts.
Et l'« agroterrorisme » ?
Partant de la constatation que « la production alimentaire et les systèmes de distribution ont montré leur possible vulnérabilité à des attaques potentielles », David Byrne met en garde les ministres de l'Agriculture des Quinze contre les dangers que représenterait l'introduction par des terroristes de virus.
« L'expérience des dernières années avec la fièvre aphteuse et la peste porcine classique met en évidence les dégâts considérables » qu'ils pourraient occasionner, estime le commissaire européen pour la Santé publique. Les comités permanents européen pour les questions vétérinaires et pour la santé publique étudieront le problème dès cette semaine pour examiner les moyens de faire face à cette menace.
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