Biosimilaires, le médecin demain au cœur du dispositif

Publié le 13/05/2016
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Un décret rédigé par l’ANSM transformerait les règles de délivrance des biosimilaires dans l’Hexagone. Le concept d’interchangeabilité s’imposerait. Décryptage.

Le ministère de la Santé serait-il en train de revoir sa copie sur les biosimilaires ? Après avoir misé sur les pharmaciens pour en développer le recours, l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) privilégierait désormais le médecin. Le praticien serait en effet autorisé à substituer un produit de référence en cours de traitement. Ce changement de politique est évoqué dans la tribune signée par Gérard Bapt et Jean-Yves Le Déaut parue sur le site de Décision Santé.

« L’erreur a sans doute été de confier au pharmacien-et non au prescripteur- la substitution d’un médicament de référence par un biosimilaire, sans avoir défini au préalable si le médicament était interchangeable. » L’article 47 de la loi de financement de la Sécurité sociale 2014 dont les décrets d’application n’ont jamais été publiés serait donc définitivement enterré. Les experts de tout bord dès sa discussion au Parlement avaient jugé cette disposition inapplicable en pratique. Dès janvier 2015, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) avait soulevé les nombreuses contraintes à remplir qu’impliquait l’article 47. Rapidement, au regard des observateurs, c’était devenu « mission impossible ». Seule la France, pionnière dans ce domaine, avait adopté cette position. Les autres pays européens ont placé le médecin comme principal acteur de la substitution.

Le médecin au cœur de la décision

Résultat, les praticiens français sont moins bien informés que leurs collègues allemands sur les biosimilaires. 32 % des médecins français s’estiment compétents pour la prescription de biosimilaires. Ils sont 50 % de l’autre côté du Rhin selon une enquête publiée en août 2015 par BioTrends Research Group. Les médecins sont pourtant au cœur de la décision, souligne une étude sur les biosimilaires réalisée par IMS. Ainsi en Norvège, le décollage de la prescription avec les biosimilaires est largement imputable aux médecins qui ont joué un rôle majeur à travers la participation à certaines instances officielles. Le Danemark a adopté la même politique. En Italie et en Espagne, les bénéfices générés par la prescription de biosimilaires sont en partie réinvestis dans le budget des hôpitaux.

Bref la formation des médecins sur cette thématique est présentée comme le meilleur instrument pour développer le marché des génériques. Mais tous les aspects du dossier doivent être abordés. Dans un travail de thèse en management des risques de santé réalisée par Emmanuelle Rossignol, pharmacienne, un des dangers signalés en matière de communication serait de réduire la communication en direction des professionnels au seul impact économique. Les notions de bioéquivalence, de traçabilité doivent également être intégrées.

En attendant, le texte réformant les modalités de délivrance des biosimilaires serait en cours de validation à la Direction générale de la santé (DGS). Dans leur tribune publiée en mars dernier (?), les deux parlementaires français dénonçaient l’opacité la plus grande [qui] règne sur ce dossier. Désormais le concept d’interchangeabilité paraît s’imposer. La sécurité ne doit pas être pour autant sacrifiée. D’où l’urgence désormais à présenter un nouveau cadre juridique. Après avoir été la première de la classe européenne sur ce dossier, la France peut-elle se permettre de se faire distancer par ses plus proches voisins ?

Gilles Noussenbaum

Source : Décision Santé: 305