En juillet 2012, le premier anticorps monoclonal biosimilaire était mis sur le marché coréen : le Remsima, un équivalent de l’infliximab développé par le laboratoire Celltrion. Avec celui développé par Johnson & Johnson, ils forment aujourd’hui les premiers biosimilaires d’anticorps monoclonaux à avoir déposé une demande d’enregistrement auprès de l’EMA. Lorsque le brevet de l’anticorps tombera dans le domaine public en 2014, la concurrence sera prête. Et le mécanisme sera identique pour les prochains anticorps monoclonaux tombés ou devant tomber dans le domaine public, à savoir etanercept, trastuzumab, rituximab...
Substitution non automatique
Les anticorps monoclonaux bouleverseront-ils un marché européen des biosimilaires encore timide ? Aujourd’hui, seules trois familles de produits sont concernés : l’hormone de croissance (GH), le filgastrim (GCSF) et l’érythropoïétine (EPO). Au niveau européen, les biosimilaires représentaient en 2011 18 % du marché du GCSF en valeur, 12 % de celui de l’EPO et 7 % de celui de l’hormone de croissance. Une place bien timide par rapport à celle qu’a connue le marché des génériques à ses débuts. Il faut dire que si la plupart des pays européens ont opté pour la substitution automatique en matière de génériques, elle fait figure d’exception dans le domaine des biosimilaires. En contrepartie, certains pays ont adopté des mesures incitatives : « En Allemagne, des quotas de prescription de biosimilaires sont imposés aux praticiens et le prix de référence de certaines biothérapies est aligné sur celui de leurs concurrents », rapporte Pierre-Emmanuel Gérard, consultant chez AEC Partners. En Norvège, le filgrastim, lui, a été inscrit sur la liste des produits substituables. Sur ces marchés, les biosimilaires ont pu se tailler une part significative du marché. En France, en revanche, aucun dispositif de ce genre n’existe. Résultat : les biosimilaires représentaient un marché de 200 millions d’euros en 2012, avec un taux de pénétration relativement faible.
Développements
Ce paysage va être bouleversé dans les toutes prochaines années : d’abord par les anticorps monoclonaux, mais aussi par les insulines, l’interféron α ou les héparines qui vont arriver à expiration de leur brevet. La question est seulement de savoir selon quelle dynamique. « La problématique des biosimilaires, c’est celle des génériques en plus compliquée », explique Marc-Olivier Bevierre, consultant chez Cepton Stratégies. En clair, un ou plusieurs paramètres vont directement influencer le futur de ce marché encore émergent.
La première est de taille : l’acceptation des biosimilaires par les patients et leurs soignants. Ce sont des produits de biotechnologie issus d’organismes vivants qui ne peuvent par définition être des copies conformes de biothérapies de référence. Conséquence : les questions d’équivalence et d’interchangeabilité avec le produit de référence sont bien plus complexes, sans oublier les risques d’immunogénicité (cf. article 2). Pour avoir accès au marché, les fabricants devront apporter une information suffisante au corps médical comme au grand public.
Le développement d’un biosimilaire demande en conséquence la conduite de véritables essais cliniques (phase I, phase III). Problème : les attentes réglementaires peuvent être différentes d’un pays à l’autre : « Les concurrents des héparines de bas poids moléculaire sont par exemple considérés comme des biosimilaires en Europe, alors qu’aux États-Unis elles sont classées comme génériques, décrit Marc-Olivier Bévierre. Les exigences ne sont donc pas les mêmes. Par ailleurs, le produit de référence auquel ils doivent se comparer peut être différent d’un pays à l’autre, selon la nature des produits mis sur le marché local. » L’absence d’harmonisation internationale alourdit au final la durée de développement et le coût de la molécule, déjà élevée par définition de par sa nature biotechnologique. Les risques prix par l’industriel sont plus élevés. En bout de chaîne, la baisse de prix attendue est moindre : de l’ordre de 30-35 % probablement pour les biosimilaires, contre 80-85 % parfois pour les génériques.
Concurrences
« Aujourd’hui, toutes les firmes pharmaceutiques concernées par la concurrence de ces produits s’y intéresse », explique Pierre-Emmanuel Gérard. En cela, les industriels ont retenu la leçon des génériques, marché dont ils avaient à l’époque sous-estimé l’émergence. Il y a donc déjà beaucoup de protagonistes, le marché est très concurrentiel. Et le business model est loin d’être uniforme sur ce marché : « Il est intermédiaire entre celui des génériques et celui des médicaments innovants, mais il est finalement très spécifique de la molécule considérée », décrit Pierre-Emmanuel Gérard sur l’exemple des biosimilaires déjà disponibles. Une équation incertaine, donc encore compliquée par la présence de biobetters et de biothérapies de deuxième ou troisième génération1. « Tout se se définit petit à petit. »
Pour se positionner, l’expérience et la force de frappe des laboratoires seront déterminantes, d’autant que sur de tels produits sensibles « les prescripteurs pourraient plus facilement accorder leur confiance à ceux qui possèdent une antériorité dans le domaine », avance Marc-Olivier Bévierre. La stratégie de certains laboratoires à produire leurs propres biosimilaires semble là parfaitement justifiée.
In fine, la cinétique de croissance du marché dépendra de la confiance qui sera accordée aux données d’efficacité et de sécurité disponibles. Il faudra probablement un recul de plusieurs années sur ces molécules pour abattre les réticences des médecins. On peut imaginer que la vitesse soit atteinte « dans dix ou quinze ans ».
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