Initialement prévue dans les premières versions du projet de loi, la réforme de la biologie avait été supprimée dans les éditions suivantes, le gouvernement faisant valoir que cette réforme, essentielle, méritait un texte de loi à elle toute seule. Surtout, cette réforme aurait considérablement alourdi le projet de loi et la discussion parlementaire n'en aurait été que plus compliquée.
Aussi est-on étonné de découvrir dans une énième version de ce projet, un article 20 qui prévoit finalement de réformer la biologie. Une réforme, dit explicitement cet article, qui «définira l'organisation de cette discipline, sa place au sein du parcours de soins, l'ensemble des règles qui la régissent, les garanties qui doivent être apportées aux patients et les conditions nécessaires à l'efficience du financement». Mais le gouvernement ne veut pour autant contraindre les parlementaires à discuter d'une réforme aussi importante dans le cadre de l'examen du projet de loi. Aussi a-t-il choisi de réformer la biologie par ordonnance. C'est-à-dire sans vote des députés. L'article 38 de la Constitution de 1958 (la récente réforme de la Constitution n'est pas encore entrée en application faute de loi organique) prévoit en effet que le gouvernement peut «demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnance, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi». Il suffit ensuite de déposer devant le Parlement un projet de loi de ratification de ladite ordonnance.
Cette procédure exceptionnelle permettra aux pouvoirs publics de réformer une profession, dont la dernière réglementation remonte à 1975, et qui leur cause quelque souci, en raison des exigences de Bruxelles. L'entourage de la ministre de la Santé ne le cache d'ailleurs pas. «Nous avons des contraintes européennes fortes», explique-t-on ainsi au ministère. Des contraintes qui concernent d'abord la possibilité pour les financiers d'investir plus largement qu'aujourd'hui, dans les sociétés d'exercice libérale. On sait que la réglementation actuelle n'autorise la participation de capitaux extérieurs à la profession qu'à hauteur de 25 %, alors que ces puissants groupes financiers militent depuis longtemps à Bruxelles pour avoir plus de possibilités. L'Europe demande depuis longtemps à la France de modifier sa réglementation et menace le gouvernement de saisir la Cour européenne de justice. Du plus mauvais effet, alors que la France préside l'Union. D'où, sans doute, la décision du gouvernement de presser le pas et de réformer la biologie par ordonnance. Or, même si l'article 20 de la loi Hôpital, patients, santé et territoires précise que l'ordonnance répondra «aux exigences européennes en veillant à apporter les garanties nécessaires à la protection de la santé publique, qui est l'objectif prioritaire, cette décision met en colère un certain nombre de biologistes libéraux qui ne comprennent pas qu'on leur ait demandé depuis six mois de participer à ces groupes de travail sur la réforme et que, soudainement, on décide de légiférer par ordonnance. Inacceptable, dit ainsi un responsable syndical, qui se dit persuadé que nombre de députés, quelle que soit leur formation, n'étaient pas décidés à voter un texte qui pouvait menacer l'indépendance financière de la profession. «Il est plus simple d'adopter un texte sans vote», dit-il. La profession prépare cependant sa riposte et prendra plusieurs initiatives dans les prochaines semaines, affirment ses responsables. Une action auprès de la commission de Bruxelles serait également en cours. Mais il est vrai que le temps presse.
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