Au terme de trois jours de première lecture du projet de loi, plusieurs mesures adoptées par la Commission spéciale (rapporteur, Alain Claeys) ont été retenues, malgré certaines réticences de la droite. Le texte comporte une trentaine d'articles pour lesquels ont été déposés près de 500 amendements. En voici les principaux points.
Aucun amendement n'a modifié l'article 15 du projet de loi relatif au clonage reproductif. Est donc maintenue l'interdiction « de toute intervention ayant pour but de faire naître un enfant ou de développer un embryon humain qui ne seraient pas directement issus des gamètes d'un homme et d'une femme ». Le texte prévoit un emprisonnement de vingt ans de réclusion en cas de non-respect de cette interdiction. Ceux qui se prêteraient au clonage reproductif à leur profit écoperont d'une peine de cinq ans.
L'option du clonage thérapeutique pour aider la médecine régénatrice n'a pas été retenue, au grand dam d'Henri Emmanuelli. L'amendement qu'il avait déposé avec 28 autres socialistes a été repoussé par une large majorité. Actuellement, sept pays de l'Union européenne permettent la création de cellules souches via cette technique. Henri Emmanuelli est convaincu « qu'il ne se passera pas beaucoup de temps avant que, sous la pression des faits, on en vienne à ouvrir » cette piste de recherche. Les députés semblent avoir opté pour la prudence, en se rangeant à l'avis du gouvernement. Du moins pour le moment.
La possibilité, interdite depuis 1994, d'effectuer des recherches sur les embryons surnuméraires a été retenue, malgré l'opposition farouche de Christine Boutin. Deux conditions sont toutefois requises : l'accord préalable écrit des parents, et la garantie de l'abandon du projet parental.
Le texte élargit par ailleurs la possibilité de dons d'organes à toute personne vivante « sous réserve d'une relation stable et durable » (au-delà des parents du premier degré). La notion de « lien affectif », qu'avait ajoutée la commission spéciale a été supprimée en séance. Les députés ont repris l'idée de Jean-Michel Dubernard (RPR) de créer un registre des donneurs vivants, afin de suivre « leurs évolutions médicales ».
Autre création, en matière de procréation médicalement assistée (PMA) cette fois-ci : l'Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaine. Un amendement précise sa composition et son rôle. Y figure « l'autorisation des protocoles de recherche sur l'embryon humain », disposition critiquée par le gouvernement. L'exigence d'une vie commune d'au moins deux ans pour les couples non mariés est supprimée pour les couples qui veulent accéder à la PMA. L'amendement de Christine Boutin donnant aux enfants nés par PMA le droit de connaître l'identité de leurs géniteurs a été rejeté. Par ailleurs, le texte autorise l'implantation post mortem compris entre 6 et 18 mois après le décès du père.
La possibilité de faire des prélèvements d'ADN post mortem pour une recherche en filiation est également acceptée, mais uniquement si la personne concernée a donné son accord de son vivant.
Le brevetage du vivant interdit
Enfin, c'est à l'unanimité que les députés ont décidé d'interdire le brevetage du vivant, contre l'avis du gouvernement. La délicate question des brevets ne devait pourtant être qu'évoquée, affirmait Alain Claeys. L'amendement, déposé par le PC et l'UDF, stipule « qu'un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique, y compris la séquence ou la séquence partielle d'un gène, ne peut constituer une invention brevetable ». S'il est adopté définitivement, ce texte risque fort de mettre la France en porte-à-faux avec la légalité européenne, puisqu'il renie l'article 5 de la directive européenne (« le Quotidien » du 14 janvier).
« Je crois qu'aujourd'hui, en précisant la position de la France, nous aiderons le gouvernement pour les négociations à venir, commente Alain Claeys. Certes, mais dans ce cas, à quoi bon un projet de loi tout entier dédié à la transposition en droit français de ladite directive ? Son examen, déjà repoussé de plusieurs mois, risque fort d'y perdre en intérêt.
Le vote solennel sur le texte interviendra demain. Il est peu probable que celui-ci puisse être adopté définitivement avant le 22 février, date à laquelle le Parlement suspendra ses travaux pour cause de campagnes électorales. Le Sénat l'examinera vraisemblablement cet été ou à l'automne prochain.
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