« Toute une semaine consacrée à l'Assemblée nationale pour étudier un projet de loi, c'est exceptionnel », souligne le député Bernard Charles (RCV, Lot), au terme de six mois de présidence de la commission spéciale de l'Assemblée.
Il faut dire que l'éthique biomédicale, à cheval entre science et société, est un vaste sujet, qui concerne cinq ministères : Recherche, Santé, Justice, Emploi et Famille. Initialement prévue en 1999, la révision tant attendue des lois bioéthiques de juillet 1994 s'inscrit dans un contexte d'évolution rapide des techniques. En sept ans sont apparues de nouvelles techniques, telles l'ICSI, quand d'autres se sont améliorées, à l'instar du transfert nucléaire.
Le député et rapporteur Alain Claeys (PS, Vienne) rappelle l'objectif du nouveau projet de loi : « Il s'agit de renforcer les garanties en matière de recherche et de recueil du consentement des personnes. » Concernant le clonage, le texte interdit clairement celui qui vise à reproduire des êtres humains. Ceux qui le pratiqueront illégalement encourront une peine de cinq ans d'emprisonnement. « Il a été beaucoup plus difficile de trouver un consensus vis-à-vis du clonage thérapeutique, que l'avant-projet de loi incluait, indique Alain Claeys. Au final, l'étude du rapport bénéfice/risque n'a pas incité la commission à autoriser cette pratique. » Laquelle ne fait cependant l'objet d'aucune interdiction explicite par le texte. « Le clonage thérapeutique tombera en fait sous le coup de l'interdiction des recherches sur l'embryon qui n'ont pas une fin médicale », explique le rapporteur. Le projet ne bloque pas pour autant toute forme de recherche sur les cellules souches embryonnaires, puisqu'il ouvre la possibilité d'effectuer des recherches sur les embryons surnuméraires.
Trois missions pour l'agence
La création de l'Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines, pour sa part, a fait l'unanimité. Ses missions sont triples, selon Alain Claeys. « Elle pourra éclairer le législateur par le biais de rapports annuels sur l'évolution des techniques et suggérer des modifications législatives. Elle rendra des avis sur les avancées de la PMA. Et, enfin, autorisera des protocoles de recherche. » Le pouvoir d'appel et de refus qu'auront les ministres sur cette agence garantit aux yeux du député le fait « qu'elle ne se substitue pas aux politiques ». Sa composition sera plus complète que ce que recommandait l'avant-projet de loi. Elle réunira des scientifiques issus de la biologie et des sciences humaines, des représentants nationaux (deux députés et deux sénateurs) et les familles, par le biais d'associations de malades.
Autre amendement adopté par la commission : l'autorisation du transfert d'embryons obtenus par FIV postérieurement au décès du père. Attention, toutefois : les projets de réimplantation post mortem ne seront acceptés que s'ils interviennent dans une fourchette de temps bien précise : entre six et dix-huit mois après le décès paternel. « La réintroduction de cette possibilité, initialement rejetée par l'avant-projet de loi, nécessite par ailleurs une modification de la législation concernant la filiation et la succession », souligne Bernard Charles.
La commission a aussi donné son feu vert au droit de faire des recherches génétiques sur une personne décédée, sauf si, de son vivant, elle a exprimé le vœu contraire. En revanche, l'étude de la non-discrimination en fonction de caractères génétiques a été transférée au sein du projet de loi relatif aux droits des malades.
Enfin, pour contrer la pénurie d'organes, le projet de loi bioéthique élargit le périmètre des donneurs vivants aux proches extrafamiliaux. Seule condition requise : l'existence entre le donneur et le receveur, d'un « lien stable, durable et affectif. »
La première lecture à l'Assemblée devrait s'achever vendredi, ou jeudi au mieux ; le vote est prévu pour le mardi 22 janvier. Bernard Charles note qu'au sein de la commission le débat a souvent dépassé le clivage droite-gauche. « L'ensemble des questions posées par la bioéthique sont très consensuelles, a-t-il ajouté. Je ne doute pas que la lecture définitive du projet de loi aura lieu rapidement, avant la fin de l'année 2002. »
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature