PRATIQUE
Hypothèses diagnostiques
En dépit de l'application de précautions d'hygiène lors d'un voyage en zone tropicale, la vigilance est parfois prise en défaut et les souvenirs rapportés pas toujours idylliques, comme en témoigne l'observation de notre patient. Avec la fièvre, les troubles du transit représentent ainsi l'un des principaux motifs de consultations soit sur place, soit à l'issue du voyage. Les étiologies des diarrhées sont nombreuses. Si la diarrhée du voyageur ou « turista » atteint 20 à 50 % des voyageurs, de nombreux germes invasifs sont en cause.
Les diarrhées d'importation d'origine parasitaire sont toutefois peu fréquentes sous nos climats. Elles sont toujours le fait d'une contamination à partir d'un environnement souillé par des déjections humaines ou animales. Lorsqu'on peut s'aider d'un hémogramme, l'existence d'une hyperéosinophilie orientera vers une helminthiase. Parmi les protozoaires, la giardiase (ou lambliase) représente la première des causes parasitaires (environ 10 % des étiologies). L'amibiase n'est pas exceptionnelle, mais le risque de la contracter est faible pour le voyageur (moins de 1 %). Le diagnostic repose sur l'examen parasitologique de selles fraîches examinées sans délai au laboratoire.
Dans cette observation, la mise en évidence de formes végétatives d' Entamoeba histolytica confirme le diagnostic d'amibiase intestinale.
L'absence de fièvre, d'altération de l'état général et la négativité des coprocultures permet d'éliminer les autres causes de colite aiguë infectieuse induite par des germes entéro-invasifs (shigelles, salmonelles).
Discussion
L'amibiase est une parasitose fréquente dans la zone intertropicale où on estime à plus de 500 millions le nombre d'individus porteurs du parasite. Strictement humaine, liée au péril fécal, Entamoeba histolytica vit généralement en saprophyte du côlon. Sous l'influence de divers facteurs, l'amibe peut alors s'enkyster, gardant ainsi un pouvoir infestant mais non pathogène à ce stade. Cette forme kystique, très résistante par ailleurs dans le milieu extérieur dans lequel elle est éliminée au cours de l'exonération fécale, peut rester longtemps asymptomatique dans l'organisme, vivant dans la lumière colique à la surface de la muqueuse. Elle peut toutefois, à tout moment de son existence (modification de la flore intestinale, baisse de l'immunité locale, souche particulièrement virulente, facteurs enzymatiques intrinsèques...), retrouver son pouvoir pathogène, redevenant alors hématophage et histolytique pour attaquer la muqueuse colique. Exerçant son pouvoir nécrosant, elle peut ainsi traverser la paroi colique, passer dans la circulation sanguine et gagner d'autres organes (foie, poumon essentiellement), réalisant des tableaux cliniques préoccupants.
Les formes intestinales aiguës strictes sont les formes les plus souvent rencontrées. La modification des selles (glaireuses, séro-sanglantes) sont caractéristiques du syndrome dysentérique. Douleurs abdominales, fièvre, altération de l'état général sont associées à des degrés divers. Seule la découverte de formes végétatives d' E. histolytica, réalisée au cours d'un examen parasitologique de selles, permet de porter le diagnostic de certitude. Mais ces formes végétatives et mobiles sont très fragiles et meurent rapidement hors de l'organisme humain (moins de dix minutes). C'est pourquoi il faut examiner les selles aussitôt après leur émission, ce qui justifie :
- le recueil du prélèvement au laboratoire si cela est réalisable ;
- et l'il averti d'un biologiste habitué à la parasitologie.
Orientations thérapeutiques
L'objectif thérapeutique est double : guérir l'amibiase-maladie et éradiquer le portage intestinal du parasite. On s'aide pour cela, d'une part, d'amoebicides diffusibles, actifs sur les amibes hématophages en raison de leur pénétration tissulaire, et, d'autre part, d'amoebicides de contact, actifs uniquement sur les amibes endoluminales et réservés au traitement de l'amibiase-infection. Les ambicides diffusibles disponibles aujourd'hui sont les dérivés 5-nitro-midazolés (metronidazole 1,5 g/j en trois prises chez l'adulte pendant sept jours). Les amoebicides de contact sont représentés actuellement en France par l'association tilquinol-tilbroquinol, administrée à la dose de quatre gélules/j pendant dix jours chez l'adulte après la cure de metronidazole pour parfaire la clairance endoluminale du parasite.
Toutefois, en dépit de l'activité des ambicides qui a radicalement transformé le pronostic de la maladie, l'amibiase reste encore un vaste problème de santé publique à l'échelle mondiale, la prévalence de portage intestinal de ce protozoaire dépassant 70 % dans les pays en voie développement, où le péril fécal reste souvent omniprésent.
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