APRÈS AVOIR MIS son nez successivement dans les dispositifs de formation médicale continue et de permanence des soins, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) s’attaque maintenant au financement des réseaux de santé. Son dernier rapport, remis ces jours-ci au ministre de la Santé et des Solidarités, dresse un bilan «très critique» des deux fonds chargés actuellement de financer les initiatives innovantes en matière d’organisation des soins : le Fonds d’aide à la qualité des soins de ville (Faqsv, installé en 2000) et la Dotation régionale de développement des réseaux (Drdr, instituée par la loi Kouchner de 2002).
Selon l’Igas, le Faqsv et la Drdr (auxquels sont affectés respectivement 165 millions d’euros et 157 millions pour 2006) présentent des défaillances «sur le plan administratif et financier», et obtiennent de surcroît des «résultats très maigres (...) quant à leur plus-value médicale».
«Les professionnels doivent être les plus convaincus de l’intérêt des réseaux (et autres dispositifs) car ils en sont les principaux artisans. Or, aujourd’hui, le très faible nombre de professionnels impliqués laisse dubitatif sur la capacité des deux fonds à imprimer une inflexion notable dans les habitudes de prise en charge», relèvent les auteurs du rapport.
Quant à la gestion et au suivi des fonds, ils ont «généré une bureaucratie importante, mais cette dernière est restée formaliste, essentiellement administrative et comptable, ne cherchant que rarement à appréhender la réalité des actions financées, les risques et les enjeux dont elles étaient porteuses».
Enfin, «le portage politique a, lui aussi, fait défaut», alors que les réseaux de santé devraient « s’inscrire dans une politique plus globale en matière d’innovation et d’amélioration de la qualité de l’offre de soins» (incluant le mode de prise en charge des malades, mais aussi les conditions d’installation et d’exercice des professionnels, la FMC, l’évaluation des pratiques...).
Rénover le « pilotage ».
Le rapport écarte l’idée de faire table rase de ces modes de financement, mais il propose de «les réformer radicalement, en fusionnant les deux fonds et en rénovant profondément le pilotage». En effet, les inspecteurs de l’Igas suggèrent au gouvernement de transformer le Faqsv et la Drdr en un unique «Fonds d’amélioration – ou de développement – de la qualité des soins (Faqs ou Fdqs) », à l’occasion du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss).
La gouvernance serait dès lors revue et corrigée, dans le sens d’une reprise en main par les pouvoirs publics. Au niveau national, l’ «animation stratégique» pourrait être confiée à «un comité restreint unique», composé du directeur général de l’Uncam (Union nationale des caisses d’assurance-maladie), du responsable de la Dhos (Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins), du directeur de la Sécurité sociale (DSS) au sein du ministère de la Santé, avec éventuellement «une personnalité qualifiée» de la Haute Autorité de santé (HAS). «Une équipe de suivi commune Dhos/Uncam» serait chargée de «l’animation opérationnelle».
Au niveau régional, le pilotage du nouveau fonds incomberait aux nouvelles missions régionales de santé (MRS) ou aux agences régionales de santé (ARS) expérimentales, afin de «pousser à son terme la logique de coopération» Urcam/ARH amorcée dans le cadre de la Drdr. «La décision de financement appartiendrait ainsi au président de la MRS, après avis d’une instance de concertation, ne comprenant pas plus d’une quinzaine de membres» (professionnels de santé, représentants des établissements, instances régionales et du service médical des caisses).
L’Igas «préconise de supprimer la part nationale du Faqsv [70 % des dépenses à partir de 2006, ndlr] telle qu’elle fonctionne aujourd’hui». «Les actions financées (par elle) sont en majorité des échecs ou sont non concluantes, explique son rapport. Les rares projets à l’intérêt potentiel ne sont pas suivis d’effet. Pire encore, même les échecs n’ont pas été analysés et pris en compte pour d’autres projets de l’assurance-maladie, comme le montre le DMP (dossier médical personnel). » L’Igas souhaite une réorientation des financements nationaux du Faqsv vers «la réalisation d’évaluations mutualisées, la construction d’outils à la disposition des promoteurs régionaux (en matière informatique, par exemple)».
Cahier des charges.
Par ailleurs, le document de l’Igas envisage la définition d’ «un cahier des charges pour chaque type de réseau», par pathologie ou par population (« minimum requis » pour les réseaux diabète, soins palliatifs, gérontologie par exemple), même s’il n’exclut pas les «expériences intéressantes» des réseaux de proximité autour des maisons de santé pluridisciplinaires. Le rapport défend «une meilleure gestion de la performance» des réseaux (indicateurs, rendez-vous annuels avec les promoteurs) et se montre favorable à «une simplification des contraintes administratives et une politique d’accompagnement et d’incitation des professionnels». Il souhaite enfin «une sécurisation des modalités du suivi financier».
Le Dr Philippe Chossegros, président de la Coordination nationale des réseaux (CNR, association fondée en 1997), ne voit pas d’un mauvais oeil la réforme esquissée par les inspecteurs de l’Igas. Constatant que la Drdr a «créé un effet d’aubaine majeur», le Dr Chossegros estime que «cela ne peut pas être pire qu’aujourd’hui». «Les réseaux représentent une transition pour permettre aux professionnels de s’adapter aux évolutions de la société sans dissocier le psycho-social du soin, poursuit-il. Cette étude critique de l’Igas doit permettre, à partir des questions posées, de repartir sur des bases plus adaptées à l’évolution des réalités.»
A l’Urcam d’Ile-de-France (région la mieux dotée financièrement), Dominique Chérasse est conscient des limites du Faqsv dans le financement des réseaux, puisqu’il «ne peut financer que les actions de professionnels libéraux», tandis que la Drdr est plus adaptée pour promouvoir la coordination ville-hôpital.
Néanmoins, le directeur de l’Urcam francilienne pense qu’il est trop tôt pour juger les dispositifs mis en place. «Les réseaux ont commencé à se développer en gros il y a cinq ans», rappelle-t-il, après avoir tourné la page de «la vision normée des réseaux de la commission Soubie, qui était antinomique d’initiatives et d’appropriation par les professionnels». Donc, «la file active de patients ne fonctionne pas à plein» et «l’évaluation des réseaux a tâtonné tout comme eux», plaide-t-il. «Hormis certaines thématiques comme les soins palliatifs, on n’en est pas encore au stade où l’on peut dire: “voilà la norme, voilà ce qu’il faut faire”», selon Dominique Chérasse.
En revanche, Michel Régereau ne souhaite «faire aucun commentaire». Pour l’heure, il «s’étonne de ne pas avoir été auditionné» en tant que président du Faqsv national, particulièrement éreinté par le rapport de l’Igas, et «réserve ses réponses pour plus tard, lors de sa publication officielle».
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