IL EST UN FAIT désormais établi, que tout médecin doit dorénavant avoir à l'esprit lors de ses consultations : la coqueluche est de retour. Elle affecte 60 millions de personnes dans le monde et entraîne 400 000 décès par an, en particulier dans les pays en voie de développement. En France, le réseau Renacoq évalue le nombre de cas de coqueluche chez les nourrissons de moins de 3 mois à environ 300 par an (de 200 à 600 selon les années) avec une incidence de 276 pour 100 000 nourrissons de moins de 3 mois (Bonmarin, 2007). Depuis 1996, 1 688 cas ont été décrits chez des nourrissons de moins de 6 mois, dont 96 % ont dû être hospitalisés. La coqueluche est la première cause de décès par infection bactérienne communautaire chez les enfants de moins de 2 mois.
Dans les pays industrialisés, l'épidémiologie de maladie s'est fortement modifiée. La coqueluche ne touche plus les enfants d'âge scolaire qui bénéficient d'une couverture vaccinale satisfaisante depuis la généralisation de la vaccination en 1966. Néanmoins, la bactérie responsable de cette pathologie, Bordetella pertussis, continue de circuler.
Maladie de l'adolescent et de l'adulte.
La coqueluche est désormais une maladie de l'adolescent et de l'adulte. L'immunité conférée par la vaccination ou celle provoquée par la maladie étant de l'ordre d'une dizaine d'années, les adolescents et les adultes non protégés sont porteurs de la bactérie et sont susceptibles de contaminer les nourrissons. La transmission ne se fait plus d'enfant à enfant mais d'adulte-adolescent à nourrisson.
Or, dans cette population, les formes de coqueluche souvent atténuées, peu caractéristiques, rendent le diagnostic difficile. Trop peu sensibilisés, les médecins ne pensent pas suffisamment à la coqueluche. D'après une étude réalisée en 2002 (Gilberg et coll.), 32 % des patients qui consultent pour une toux persistante inexpliquée de plus de sept jours présentent en fait une infection à Bordetella pertussis. Maladie oubliée, son diagnostic est pourtant essentiel. Traiter rapidement le patient permet de diminuer la contagiosité – l'influence du traitement par macrolides n'a pas été démontrée sur l'évolution de la maladie. Une toux spasmodique et paroxystique, quinteuse, sans fièvre ni autre signe respiratoire, en particulier entre les quintes, est évocatrice, mais le diagnostic doit être évoqué devant une toux qui persiste ou s'aggrave au bout de sept jours, et une notion de contage potentiel dans l'entourage avec une incubation compatible de 5 à 15 jours.
Les hospitalisations et décès de nourrissons, encore trop nombreux, pourraient être évités grâce à la vaccination. Depuis 2004, un vaccin de rappel combiné dTPCa (diphtérie-tétanos-poliomyélite + coqueluche acellulaire), destiné à l'adulte, Repevax, permet en une seule injection de protéger directement l'adulte contre ces quatre maladies et d'éviter qu'il ne transmette la coqueluche à de jeunes nourrissons non ou incomplètement vaccinés. Selon les recommandations, la vaccination contre la coqueluche doit être proposée aux adultes susceptibles de devenir parents dans les mois ou années à venir, aux membres du foyer à l'occasion d'une grossesse (père, enfant durant la grossesse ; mère le plus tôt possible après l'accouchement), aux professionnels en contact avec des nourrissons ou lors de la survenue d'un ou de plusieurs cas de coqueluche.
Tous les adultes.
Cependant, estime le Dr Damien Bouhour, «les médecins oublient trop souvent de proposer la vaccination aux couples désirant avoir un enfant et les personnels de santé méconnaissent trop souvent l'intérêt de ce rappel pour les adultes». Par ailleurs, outre le père et la mère, d'autres adultes peuvent être en contact avec les nourrissons de 0 à 2 mois, voire 6 mois, les plus à risque, comme les grands-parents ou les assistantes maternelles. De nouvelles recommandations devraient être annoncées dans les prochains jours afin qu'un rappel vaccinal soit proposé à tous les adultes. «La Semaine de la vaccination du 21 au 27avril devrait être l'occasion d'informer et de sensibiliser les médecins», conclut le Dr Bouhour.
D'après les communications des Drs Nicole Guiso (Institut Pasteur, Paris), Myriam Jugié (hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Paris), Damien Bouhour (Bourg-en-Bresse) et Jean-Luc Gallais (directeur du conseil scientifique de la Société française de médecine générale).
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