Risque de bouffées épidémiques de rougeole

Bientôt un plan national d'élimination

Publié le 30/03/2004
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LE 20 MAI 2003, le laboratoire de virologie du centre hospitalier universitaire de la Timone (Marseille) informe l'Institut national de veille sanitaire (InVS) de la survenue de cinq cas de rougeole identifiés depuis avril de cette même année, chez de jeunes adultes résidant dans le nord de la ville. L'alerte est suivie d'une enquête qui permet d'identifier 259 cas. Parmi les 138 cas qui ont pu être documentés, 74 ont été confirmés biologiquement, 2 épidémiologiquement et 62 cliniquement. L'épidémie a duré de la première semaine de janvier au mois de juillet, avec un pic en avril, et a surtout concerné trois départements (96 % des cas identifiés). Avec 40 % des cas, les Alpes-de-Haute-Provence ont été le département le plus touché, suivi des Bouches-du-Rhône (33 %) et du Vaucluse (23 %), avec un âge moyen de survenue de, respectivement, 11, 20 et 14 ans. Dans 60 des 69 cas pour lesquels le statut vaccinal a pu être déterminé, soit les patients n'étaient pas vaccinés (60 cas), soit ils n'avaient reçu qu'une seule dose du vaccin (8 cas). Un seul, âgé de 17 ans, avait reçu les deux doses. Pour 18 % des patients, une hospitalisation a été nécessaire, en raison de difficultés quant au diagnostic différentiel avec une toxidermie sévère ou une primo-infection VIH chez des patients présentant des tableaux cliniques sévères : atteintes cutanées allant jusqu'à 90 % de la surface corporelle (3 cas) et altération sévère de l'état général (2 cas). Les complications graves ont été peu fréquentes : pneumonie (2 cas), signes neurologiques sans encéphalites (2 cas), troubles digestifs bénins (9 cas) et otite (1 cas), toujours chez des patients non vaccinés ou au statut vaccinal inconnu.
On sait depuis 2001 que la moitié sud de la France a la couverture vaccinale la plus basse du pays : Alpes-Maritimes (84 %), Bouches-du-Rhône et Var (82 %), Vaucluse (76 %), Alpes-de-Haute-Provence (59 %). Les données pour les Hautes-Alpes ne sont pas connues. Selon les investigateurs, la faible couverture vaccinale dans des poches de population non immune a sans doute favorisé la survenue des cas groupés. « En effet, notent-ils, cette faible couverture, surtout dans les Alpes-de-Haute-Provence, a permis la persistance du virus, avec pour conséquence un contrôle insuffisant de la maladie dans la population infantile. Dans les autres départements où la couverture est plus élevée, mais encore insuffisante, un déplacement des cas de l'enfance vers l'adolescence et l'âge adulte a été constatée. » Ils rappellent que, pour arrêter la transmission du virus, il faut non seulement atteindre une immunité individuelle de 95 % (deux doses du vaccin sont nécessaires), mais aussi s'assurer d'une couverture vaccinale élevée (95 % pour chacune des deux doses). Si la couverture vaccinale est plus basse dans le Sud, elle stagne également à 85 % au niveau national depuis une dizaine d'années. Une étude séro-épidémiologique a montré en 1998 que plus de 5 % de la population française âgée de 14 et 20 ans ne sont pas protégés contre la rougeole, 10 % pour les 5-9 ans et plus de 15 % pour les 1-4 ans.

Enfants et adolescents non vaccinés.

Les cas survenus en Paca montrent bien que « les conditions épidémiologiques actuelles demeurent propices à la survenue de bouffées épidémiques avec, comme principale population à risque, les enfants et les adolescents non vaccinés ».
Or, la France s'est engagée, comme les autres pays d'Europe et conformément aux objectifs de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), à faire disparaître la rougeole d'ici à 2010.
Dans ce cadre, l'investigation des cas en région Paca a permis de mettre en évidence les limites du système actuel de surveillance de la rougeole en France. La maladie n'est plus à déclaration obligatoire depuis 1985 et sa surveillance ne repose plus que sur le réseau Sentinelles, créé par l'Inserm U444 sur la base de la déclaration du nombre hebdomadaire de cas de rougeole clinique vus en consultation par des médecins libéraux bénévoles. Pourtant, au cours du premier semestre 2003, le réseau Sentinelles n'a détecté aucun cas dans la région Paca (c'est le cas depuis l'an 2000). « Sans l'alerte donnée par le CHU de la Timone, ces cas, quoique sous-estimés, seraient probablement passés inaperçus », font encore remarquer les auteurs. Ce système n'est plus représentatif de la situation en France en raison du faible nombre de cas vu par les médecins « sentinelles ». Il ne peut plus reposer sur les seules données cliniques, du fait d'une incidence moindre des formes éruptives. La mise en place d'un système renforcé impliquerait un retour à la déclaration obligatoire et la possibilité d'une confirmation biologique des cas cliniques. Un plan national d'élimination de la rougeole, qui prend en compte les conclusions de l'étude des cas en Paca, est en cours d'élaboration au sein du Conseil supérieur d'hygiène publique en France. Il devrait s'accompagner d'un important effort de sensibilisation des médecins.

> Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7510