L'HYOTHYROIDIE SUBCLINIQUE (HS) répond à une définition biologique. Elle est caractérisée par une élévation de la concentration plasmatique de la TSH avec des T3 et T4 normales et en l'absence de tableau clinique évident d'hypothyroïdie. Si l'élévation isolée de la TSH est le plus souvent de découverte fortuite, l'analyse des circonstances ayant motivé la demande de son dosage met souvent en évidence des signes possiblement en rapport avec cette situation, en particulier une frilosité, une asthénie, une prise de poids, une hypercholestéroléie.
Or l'élévation de la TSH est un marqueur pratiquement pathognomonique de l'hypothyroïdie débutante ; en théorie, toutefois, cette anomalie biologique peut exister dans d'autres situations, comme les adénomes hypophysaires thyréotropes et la résistance aux hormones thyroïdiennes. Le contexte est alors totalement différent et l'augmentation des hormones thyroïdiennes permet de les reconnaître. La TSH peut aussi être élevée du fait d'artéfacts méthodologiques liés à la présence, dans le sérum, soit d'anticorps (AC) anti-TSH chez des sujets antérieurement traités par TSH bovine (la TSH recombinante n'induit pas d'apparition d'AC), soit d'AC hétérophiles de type immunoglobulines. Ces derniers peuvent être observés dans deux circonstances : en cas de positivité de la sérologie rhumatoïde, qui induit parfois une fausse élévation de la TSH, et lorsque le sérum contient des AC humains anti-immunoglobulines de souris (Hama : Human anti-Mouse Antibodies).
De 2,5 à 14 % de la population.
En ce qui concerne la prévalence de l'HS, les données de la littérature varient entre 2,5 et 14 % selon le recrutement (sexe, âge, population) et les critères diagnostiques pour des valeurs de TSH allant de concentrations au-delà de 2,5 à plus de 10 mU/l. En France, selon l'enquête Suvimax, sa prévalence dans la tranche d'âge 45-60 ans est de 1,9 % chez les hommes et 3,3 % chez les femmes. Une enquête des centres de santé de la Sécurité sociale donne un chiffre de 3,4 % entre 45 et 70 ans. En Grande-Bretagne, d'après la Wickham Survey, 7,5 % des femmes et 2,8 % des hommes ont une élévation de TSH (> 6 mU/l). L'âge comme le sexe féminin augmentent la prévalence de l'HS qui excédait 10 % chez les femmes de plus de 60 ans aux Etats-Unis, comme à Rotterdam.
En pratique, la norme de TSH n'est pas facile à déterminer. Rappelons que l'on considère comme normale la valeur usuellement observée chez 95 % des sujets d'une population. Sur cette base, la norme de TSH est habituellement de 0,5 à 4 mU/l. Mais elle fait actuellement l'objet d'une réflexion suscitée par les caractéristiques de la population témoin, dont certains sujets pourraient avoir des anticorps antithyroïdiens ou des petits nodules thyroïdiens et, donc, une dysfonction mineure de la glande thyroïde. Les experts plaident donc pour l'utilisation de vrais témoins, à savoir des sujets sans anticorps, avec une échographie thyroïdienne normale. Dans ces conditions, la valeur normale de TSH se situe entre 0,5 et 2 mU/l. Comme le souligne le Pr Wémeau, « la modification des normes de THS aurait une incidence importante, car elle entraînerait une inflation du nombre de patients atteints d'HS ».
Sur le plan du diagnostic, la large prédominance étiologique des pathologies auto-immunes impose le dosage des AC antithyroïdiens, avec, en première intention, les AC antithyroperoxydase, de loin les plus fréquents. Si une recherche positive signe le diagnostic, sa négativité n'exclut pas la présence d'autres AC. En effet, des AC antithyroglobuline peuvent exister isolément dans 10 % des cas. En outre, des AC antirécepteurs de la TSH, ordinairement stimulants et responsables de la maladie de Basedow, expliquent quelques variantes très rares d'hypothyroïdies acquises, s'ils se comportent comme des anticorps bloquants.
Qui traiter ?
Tous les patients présentant une TSH supérieure à 10 mU/l doivent bénéficier d'un traitement. Celui-ci entraîne une amélioration indiscutable des signes cliniques et du profil athérogène. En revanche, le bénéfice réel et l'opportunité du traitement dans les cas où la TSH est entre 4 et 10 mU/l sont discutés. D'après le consensus du GRT, il doit alors nécessairement être prescrit dans cinq circonstances :
- la grossesse : dès la conception, la TSH de la mère s'élève d'environ 30 % et 2 % des femmes enceintes ont une hypothyroïdie souvent méconnue. Or les hormones thyroïdiennes sont importantes pour le développement cérébral du foetus qui ne commence à en produire qu'après le deuxième mois de grossesse. Des travaux ont montré que, à l'âge de 8-9 ans, les enfants nés de mère avec hypothyroïdie ont un QI inférieur de 10 points ;
- la présence d'AC antithyroïdiens avec une TSH élevée persistante (à vérifier par la répétition des dosages à 2, puis 6 mois) ; l'enquête de Wickham Survey a mis en évidence un doublement du risque annuel pour les patients d'évoluer vers une hypothyroïdie clinique s'ils ont des anticorps antithyroïdiens. Dans cette situation, le traitement a une action préventive ;
- le goitre ; l'élévation de la TSH est goitrogène ;
- l'infertilité ; une insuffisance en hormones thyroïdiennes semble favoriser les dysovulations ;
- l'hypercholestérolémie ; le traitement hypolipémiant n'est prescrit que si celui de l'HS ne normalise pas le taux de cholestérol.
En ce qui concerne les patients qui n'entrent pas dans ces cadres, les avis sont partagés, certains plaidant pour une surveillance annuelle, d'autres, pour l'institution d'un traitement. A noter que le traitement doit être administré à raison d'une prise quotidienne, à la même heure, dans les mêmes circonstances. Il est peu coûteux (de l'ordre de 3 euros pour 125 μg de lévothyroxine), physiologique, avec un ajustement facile des doses et une bonne tolérance du fait de la longue demi-vie du médicament à longue demi-vie (6 jours). Un surdosage est toutefois observé chez environ 10 % des malades. Enfin, il est nécessaire d'informer les patients sur le risque d'interférences médicamenteuses, notamment avec les pansements digestifs, les sels de fer, de calcium et de magnésium.
* D'après un entretien avec le Pr Jean-Louis Wémeau, président du groupe de recherche sur la thyroïde, Chru, Lille.
De nombreuses causes
Parmi les formes de thyroïdites auto-immunes, la plus fréquente est la thyroïdite atrophiante qui touche avec prédilection les femmes après la ménopause ou l'accouchement, mais se voit également chez l'homme et, parfois, chez l'enfant. Dans la thyroïdite hypertrophique - de Haschimoto -, une surveillance est nécessaire en raison du risque d'évolution vers un cancer thyroïdien (1-2 %) qui se complique de lymphome thyroïdien dans 1 % des cas. Certaines HS relèvent de causes iatrogènes par médicament, le plus souvent iodé, par chirurgie ou radiothérapie cervicale. Il existe également des HS dues à des thyroïdites subaiguës réactionnelles postinfectieuses ou en post-partum (5 %, généralement transitoires). Des cas d'élévation isolée de la TSH par hypothyroïdie congénitale à révélation tardive ont été décrits. Des HS sans cause apparente peuvent être la conséquence d'une résistance à la TSH due à des mutations de son récepteur. Le rôle potentiel des polluants dans l'eau, l'air et l'alimentation est aussi évoqué.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature