AU DÉBUT de l’année 2002, la mucoviscidose intégrait le groupe restreint des maladies qui font l’objet d’un dépistage systématique sur l’ensemble du territoire national. Désormais, chacun des 800 000 enfants qui naissent chaque année en France peut bénéficier, au troisième jour de vie, d’un prélèvement d’une goutte de sang, généralement au talon, à la recherche de cinq maladies : la phénylcétonurie (depuis 1972), l’hypothyroïdie congénitale (depuis 1978), la drépanocytose (depuis 1989 dans les Dom-Tom et 1995 en métropole), l’hyperplasie congénitale des surrénales (depuis 1995) et la mucoviscidose (2002).
Même s’il n’existe aucun traitement présymptomatique curatif de la mucoviscidose, la maladie est suffisamment grave et fréquente (1/5 000 naissances), le test de dépistage assez sûr, simple et précis avec un bénéfice direct pour l’enfant en cas de prise en charge rapide de sa maladie, pour justifier un test néonatal. Avant la mise en place du dépistage néonatal systématique, le diagnostic était réalisé dans les six premiers mois de vie chez 50 % des patients et avant l’âge de 6 ans chez 90 % d’entre eux à l’occasion d’une manifestation clinique telle qu’une diarrhée graisseuse, un encombrement des bronches ou des infections récidivantes des voies respiratoires. Un test de la sueur était pratiqué qui révélait la présence d’un taux élevé d’ions chlore. Le diagnostic était alors complété par l’examen moléculaire du gène CFTR et la recherche des mutations en cause.
Un consentement indispensable.
Depuis 2002, le dépistage, organisé par l’Afdphe (Association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l’enfant) et financé par l’assurance-maladie, repose sur le dosage de la trypsine immunoréactive (TIR) suivi en cas de taux élevé (supérieur à 65 µg/l) de la recherche sur le même échantillon de sang d’une trentaine de mutations du gène CF, les plus fréquentes parmi les 1 400 qui ont déjà été identifiées. L’augmentation de la TIR, qui reflète l’atteinte du pancréas, permet de repérer de 95 à 98 % des nouveau-nés atteints de la maladie, mais n’est pas spécifique. Le test génétique à la recherche de mutations améliore la sensibilité.
Comme pour tout test génétique, il ne peut être réalisé qu’après le consentement écrit des parents (article L.1131-1 du code de la santé publique). Pour ne pas soulever d’inquiétude inutile chez ceux dont l’enfant aura une TIR élevée, le consentement est demandé à tous les parents, qui peuvent toujours refuser l’ensemble des tests de dépistage – ils doivent alors signer une décharge écrite – ou seulement le test génétique. Après leur accord oral, seuls les tests biochimiques seront réalisés. En cas d’hypertrypsinémie, les parents sont contactés par le centre régional de dépistage et informés de la nécessité de poursuivre les examens. Lorsqu’une recherche de mutations est nécessaire, une partie de l’échantillon de sang (recueilli à J3) est adressée à un laboratoire de biologie moléculaire habilité à participer au programme de dépistage.
Plusieurs situations peuvent alors se présenter. Si deux mutations sont identifiées, le diagnostic de mucoviscidose est posé et l’enfant est adressé à un centre spécialisé (Crcm). Lorsqu’une seule mutation est découverte, le diagnostic ne peut être éliminé car l’enfant a 15 % de risque d’être porteur d’une deuxième mutation qui ne figure pas parmi celles recherchées par le test génétique. Un test de la sueur est alors nécessaire afin de déterminer s’il s’agit d’une mucoviscidose ou si l’enfant est simplement hétérozygote. Si aucune mutation n’est présente et que le taux de trypsine immunoréactive est inférieur à 100 µg/l, les investigations s’arrêtent là. Dans le cas contraire, un test de la sueur est réalisé qui sera complété, s’il est positif, par l’analyse moléculaire de tout le gène afin de mettre en évidence des mutations non incluses dans le kit d’analyse.
Depuis le début du programme, près de 2 millions de tests ont été réalisés et 428 nouveau-nés atteints de mucoviscidose ont été dépistés par dosage de la trypsine (TIR) dans le sang. Selon le dernier bilan de l’observatoire national de la mucoviscidose, les patients dépistés à la naissance, au nombre de 156, représentent 58 % des nouveaux cas en 2004 contre 34 % des nouveaux cas (74) en 2002 et 48,5 % (112) en 2003. Pour la moitié d’entre eux, le diagnostic a été réalisé avant l’âge de 4 mois.
Le recours au dépistage, associé à la prise en charge précoce de la maladie, a amélioré l’espérance de vie des patients, qui est passé de 38 ans en 2000-2002 à plus de 42 ans en 2002-2004. De plus, une analyse comparative montre que, à l’âge de 7 ans, près de deux fois plus d’enfants sont colonisés par Pseudomonas aeruginosa lorsqu’ils ont été diagnostiqués en période postnatale à la faveur d’un symptôme (30,3 %) que s’ils ont été dépistés à la naissance (17,1 %). En dépit de bénéfices mesurables, un certain nombre de difficultés sont apparues. Elles sont d’ordre éthique et tiennent à la nécessité du consentement des deux parents, rarement obtenu, à l’existence d’un grand nombre de porteurs d’une seule mutation – sains, ils peuvent transmettre le gène muté à leur descendance. Dans ce cas, une information doit être donnée à la famille, qui conduira à une éventuelle recherche de mutations chez les parents et la fratrie, ce qui génère de l’angoisse et dépasse les objectifs du dépistage.
La stratégie du tout-biologique.
Par ailleurs, certaines formes mineures de la maladie qui étaient détectées chez l’adulte le sont maintenant en période néonatale, ce qui pose question. Enfin, le pourcentage de faux négatifs (c’est-à-dire les enfants malades non dépistés) est plus élevé que pour les autres maladies dépistées (3,4 %).
A la demande de la Cnamts, une étude dirigée par Jean-Charles Dagorn (unité Inserm Stress cellulaire) et Jacques Sarles (université de la Méditerranée) a comparé, chez 204 749 nouveau-nés de cinq régions françaises, la stratégie habituelle (dosage de la Tir et recherche de mutations) à une stratégie associant deux tests biologiques, le dosage de la TIR et celui de la PAP1 (protéine associée à la pancréatite). Les résultats, publiés dans « The Journal of Pediatrics » (septembre 2005), montrent que la stratégie du « tout-biologique » a les mêmes performances, sans les contraintes liées à la recherche de mutations et pour un coût inférieur de 30 % (500 000 euros). D’ici à la fin de l’année 2006, la Haute Autorité de santé devrait procéder à une évaluation du programme de dépistage, afin de déterminer la stratégie optimale.
Avant la naissance
Le dépistage prénatal peut être proposé dans trois circonstances. Dans le cas d’une famille à risque qui a déjà un enfant atteint d’une mucoviscidose ou lorsque l’un des parents sait qu’il est hétérozygote, il est réalisé à partir d’une ponction trophoblastique réalisable à partir de 11 semaines de grossesse. En cas de test positif, l’interruption de grossesse est discutée.
Le dépistage peut aussi être réalisé lorsqu’il existe des signes d’appel à l’échographie (masse hyperéchogène abdominale, par exemple). Le diagnostic préimplantatoire peut être envisagé chez les parents à risque porteurs d’une mutation du gène CFTR et qui désirent un enfant par fécondation in vitro.
Au printemps 2004, le Comité national consultatif d’éthique (Ccne) a rendu un avis défavorable au dépistage prénatal généralisé de la mucoviscidose en France. L’avis faisait suite à la soumission d’un projet d’étude pilote sur le dépistage de la mutation DeltaF508 du gène CFTR, la plus fréquente, chez la mère au début du deuxième trimestre de grossesse, puis chez le père en cas de test positif. Même si elle concerne 70 % des cas de mucoviscidose, la mutation recherchée ne couvre pas l’ensemble des formes de la maladie, d’une part, et, d’autre part, explique le Ccne, « le test moléculaire ne peut prédire de manière certaine la gravité de la maladie ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature