QU'ELLES SOIENT virales, bactériennes ou parasitaires, les infections acquises pendant la grossesse sont une source d'anxiété majeure pour les mères, conduisant parfois à des interruptions volontaires de grossesse injustifiées. Leurs conséquences dramatiques pour le foetus et le nouveau-né peuvent être dramatiques : mort in utero, infections graves à la naissance, malformations congénitales ou manifestations cliniques à distance.
Les stratégies de prévention mises en oeuvre, certaines de longue date et d'autres plus récemment, varient selon la nature de l'infection : maîtrise de la contamination alimentaire et hygiène alimentaire pendant la grossesse (listériose et toxoplasmose) ou dépistage, traitement et prophylaxie spécifiques lors de la grossesse ou de l'accouchement (syphilis, toxoplasmose, VIH, streptocoque B, hépatite B).
VIH, rubéole, listériose.
Elles ont permis de fortement réduire l'impact des principaux risques infectieux sur la santé du nouveau-né, ce que souligne le numéro thématique du « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » publié aujourd'hui. Parmi les progrès enregistrés, le plus spectaculaire est peut-être celui de la prévention de la transmission mère-enfant du VIH, qui a été divisé par dix grâce au dépistage prénatal et à l'administration d'une prophylaxie antivirale. De 20 % avant 1994, leur taux résiduel est estimé à 1,6 % grâce aux multithérapies. Les infections rubéoleuses durant la grossesse ont, elles, été divisées par vingt en dix ans : le nombre d'infections maternelles rapporté au nombre de naissances vivantes est passé de 11,9 pour 100 000 en 1997 à 0,4 pour 100 000 en 2006, tandis que le nombre de rubéoles congénitales, qui était de 1,1 pour 10 000, a diminué progressivement durant la période jusqu'à devenir nul pour la première fois en 2006. La listériose materno-maternelle a bénéficié des mesures de contrôle de la chaîne agroalimentaire mises en oeuvre en France en 1986 : leur nombre a été divisé par 10 en vingt ans (500 cas/an contre 50 cas/an). La prévention des infections néonatales à streptocoque B a bénéficié du dépistage systématique du portage vaginal recommandé par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) depuis 2001. Leur incidence a également fortement diminué, de 0,69 pour 100 000 naissances vivantes à 0,4 en 2002 et 0,23 en 2006.
Pour les autres risques infectieux, les progrès sont plus nuancés. La prévalence et l'incidence de la toxoplasmose ont chuté de près de 20 % entre 1995 et 2003, où elles ont été estimées respectivement à 43,8 % et 6-4 pour 1 000 femmes enceintes. Cependant, malgré la baisse constatée, la prévalence reste plus élevée que dans les pays du nord de l'Europe. Les infections materno- foetales à cytomégalovirus ne font pas l'objet d'une recommandation de dépistage, faute de traitement antiviral prénatal. Une enquête réalisée entre novembre 2004 et janvier 2005, à partir de 304 cas notifiés (81 primo-infections maternelles, 22 infections foetales et 44 infections du nouveau-né), a montré qu'en France la majorité des infections congénitales symptomatiques sont détectées pendant la grossesse ou à la naissance. Les naissances de près de la moitié de ces infections sont évitées par une interruption de grossesse.
Se méfier d'une réémergence de la syphilis.
Quant à la syphilis, une étude menée en 2004 dans le cadre de la résurgence de l'infection en France montre que le nombre de cas de syphilis congénitale est resté très faible (six cas identifiés, dont deux chez des enfants adoptés nés en Afrique du Nord, sur 767 816 naissances recensées la même année). «Une réémergence des cas de syphilis congénitale est à craindre, surtout chez les femmes dont la situation sociale et culturelle peut être à l'origine d'une perte de chance d'entrer en contact avec le système de soins», expliquent les investigateurs.
Le bilan dressé par le « BEH », même s'il n'est pas exhaustif – les hépatites B et C ou les infections à Escherichia coli n'y sont pas traitées – actualise les données de la surveillance des infections congénitales et transmises de la mère à l'enfant et souligne l'importance du maintien ou du renforcement des mesures de prévention : vaccination contre la rubéole et celle contre l'hépatite B chez les nouveau-nés de mères infectées ; accès précoce au dépistage et au traitement des infections (VIH, syphilis), information diététique pendant la grossesse. «Des progrès sont encore possibles», conclut l'Institut de veille sanitaire.
Des mesures adaptées
• VIH. Les combinaisons antirétrovirales sont préconisées depuis 2004 en France chez toutes les femmes enceintes séropositives, au plus tard au début du troisième trimestre de grossesse en l'absence d'indications thérapeutiques pour elles-mêmes. Une prophylaxie antirétrovirale est également administrée pendant le travail, sous forme de perfusion de zidovudine, et par voie orale pendant six semaines chez le nouveau-né. L'allaitement maternel est proscrit. La césarienne programmée n'est indiquée depuis 2002 qu'aux femmes qui n'ont pas reçu de combinaison antirétrovirale pendant la grossesse ou dont la charge virale reste mal contrôlée à l'accouchement.
• Rubéole. Le vaccin antirubéoleux a été introduit dans le calendrier vaccinal en 1970 auprès des jeunes filles et des femmes en âge de procréer, mais c'est la vaccination des nourrissons en 1983 et surtout sa généralisation à partir de 1986 avec le vaccin rougeole-rubéole-oreillons qui ont permis la forte diminution de l'incidence des infections durant la grossesse. La France s'est donné pour objectif d'éliminer la rubéole congénitale d'ici à 2010. Le schéma vaccinal actuel repose sur l'administration de deux doses du vaccin (à 12 mois et entre 13 et 24 mois), plus un rattrapage chez les jeunes filles et les femmes en âge de procréer ou une vaccination en post-partum des femmes dont la sérologie prénatale était négative ou inconnue.
• Listériose. Les premières mesures ont été introduites en France en 1986 lorsque les Etats-Unis ont imposé la norme «zéro listeria» sur les fromages d'importation. Le contrôle des industriels exportant des fromages aux Etats-Unis s'est généralisé ensuite à l'ensemble des producteurs de fromages, puis aux autres filières agroalimentaires, de même qu'au circuit de distribution. Des recommandations hygiéno-diététiques sont régulièrement diffusées aux femmes enceintes.
• StreptocoquesB. L'origine des infections néonatales est dans la majorité des cas le portage vaginal maternel. D'où le dépistage systématique recommandé en France pendant la grossesse.
• Toxoplasmose. Le programme de prévention de la toxoplasmose congénitale a été mis en place en 1978. Il comprend, depuis 1992, la surveillance sérologique mensuelle des femmes enceintes séronégatives depuis la déclaration de grossesse jusqu'à l'accouchement et la diffusion de règles hygiéno-diététiques (l'infection est associée à la consommation de crudités et de viande de mouton ou de boeuf pas ou insuffisamment cuite).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature