SI L’EXAMEN DU PLFSS 2007 à l’Assemblée nationale, avait réservé aux médecins une surprise de taille (l’augmentation du budget des soins de ville de 200 millions d’euros), c’est le passage du texte au Sénat qui a été de loin le plus spectaculaire. Secteur optionnel, médecin référent, RCP, délégation de tâches… : le volet maladie du Plfss a subi des modifications substantielles. Elles ne sont pas le fait de la hardiesse des sénateurs, mais elles résultent d’une offensive méthodique du gouvernement sur plusieurs dossiers en panne, principalement dans le champ conventionnel. Quant à l’amendement politique porté par le sénateur UMP Alain Vasselle, qui réserve aux seuls syndicats représentatifs le droit d’opposition aux décisions conventionnelles, il n’aurait jamais vu le jour sans le soutien total du gouvernement, inquiet de la paralysie de la convention. «Le Plfss initial était fade et inodore, il a finalement beaucoup de saveur», commente Michel Chassang, président de la Csmf, qui constate que Xavier Bertrand s’est «immiscé, sans faire dans la dentelle, dans la vie conventionnelle». «Une gifle», selon lui, «adressée par le gouvernement au conseil de l’Uncam».
A six mois de l’élection présidentielle, cette intrusion du gouvernement dans les affaires conventionnelles – y compris en fixant des ultimatums à des parties signataires trop passives à son goût (1) – marque un tournant et une accélération du calendrier. Alors que, selon un sondage publié dans nos colonnes, 58 % des médecins libéraux désapprouvent la réforme de l’assurance-maladie, le ministre de la Santé montre qu’il tient la barre et s’efforce de n’oublier personne (les référents, les chirurgiens, les spécialités à risque…) afin de présenter, le moment venu, le bilan le plus positif possible. Au risque de remettre en cause la gouvernance de l’assurance-maladie issue de la loi du 13 août 2004. Morceaux choisis d’une reprise en main (lire aussi édito page une).
Secteur optionnel: les partenaires sous pression
Le gouvernement donne une ultime chance à la négociation entre l’assurance-maladie, les complémentaires et les médecins (« le Quotidien » du 16 novembre). Son amendement prévoit que, à défaut d’accord «avant le 31janvier 2007» sur un avenant autorisant «certaines spécialités» (une formulation large) à pratiquer des dépassements d’honoraires encadrés pour une partie de leur activité, c’est un arrêté qui pourra fixer les règles «pendant un délai de quatre mois». Xavier Bertrand veut «régler le problème des anciens chefs de clinique qui sont en secteurI» (en leur octroyant des compléments d’honoraires solvabilisés) . Mais il compte en même temps attirer les chirurgiens du secteur II (80 % des effectifs dans cette spécialité) en les autorisant à bénéficier des avantages tarifaires du secteur I lorsqu’ils ne facturent pas de dépassements (le tarif de remboursement d’un chirurgien de secteur II sans dépassement est, pour certains actes techniques, inférieur de 11,5 % à celui appliqué en secteur I). Cette offensive du gouvernement a provoqué l’ire de Michel Régereau, président de l’Uncam. Il dénonce notamment une intervention qui risque d’empêcher «toute négociation sur la moralisation des dépassements de tarifs du secteurII» pourtant réclamée par l’Uncam dans ses orientations.
Droit d’opposition: l’expression syndicale en question
Après avoir pesé les arguments des uns et des autres, le gouvernement a donné son aval à une «clarification» sur le droit d’opposition majoritaire qui, en pratique, se traduit par la mise à l’écart des syndicats non déclarés officiellement représentatifs (« le Quotidien » du 16 novembre). Une mesure qui fait hurler les opposants (lire ci-dessous) et que certains experts désignent comme un cavalier législatif.
Référents: la convergence à marche forcée
Faute de renouvellement des contrats, le dispositif du médecin référent meurt à petit feu. Jusque-là incapables (ou peu pressés) de négocier l’avenant de convergence promis pour le 15 novembre 2005, les partenaires conventionnels sont mis devant leur responsabilité par Xavier Bertrand (« le Quotidien » du 16 novembre). S’il ne concluent pas sur ce dossier avant le 31 janvier, l’Etat pourra intervenir dans le champ de la convention (pendant deux mois) et imposer lui-même un dispositif de substitution sous la forme d’un nouveau contrat individuel et volontaire (volume d’activité, prescriptions en générique, rémunération, tiers payant).
Ophtalmologistes: délégation de tâches encadrée
Pour le gouvernement, le temps de la concertation et des expérimentations sur les délégations de tâche a assez duré, du moins dans certaines spécialités. Avec cet amendement, les opticiens auront le droit, dans le cadre d’un renouvellement de prescription, d’adapter eux-mêmes la prescription médicale initiale de verres correcteurs datant de moins de trois ans à l’évolution de l’acuité visuelle.
RCP: faute d’accord, législation par ordonnance
Pour enrayer l’inflation des primes, le gouvernement a sollicité et obtenu du Parlement un amendement l’habilitant à légiférer par ordonnance sur la RCP à défaut de la conclusion d’un accord-cadre (avec l’ensemble des parties concernées) pour «maîtriser les charges» relatives à la souscription d’une assurance. Après publication de la loi de financement de la Sécu, le gouvernement laisse deux mois à la concertation (ministères concernés, syndicats médicaux, assureurs, assurance-maladie). Favorable à l’écrêtement des indemnités versées par les assureurs, le gouvernement sera autorisé à prendre par ordonnance «avant le 30avril 2007» les mesures qui s’imposent.
(1) La date de reprise des négociations conventionnelles n’est pas fixée, mais la Csmf et le SML réclament une rencontre le plus vite possible.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature