"Mon devoir est de rebatir un nouveau système du médicament et sanitaire, avec un objectif : qu’il n’y ait pas demain un nouveau Médiator." Aprés avoir reçu samedi 15 janvier le rapport de l’Igas sur le Médiator, Xavier Bertrand a tenu un discours ferme et volontariste et a promis qu’avant l’été toutes les conculusions seraient tirées de cette affaire. Se montrant sévère à l’égard du laboratoire Servier en évoquant une "responsabilité directe" du groupe, le ministre de la Santé a aussi estimé que "notre système de police du médicament a failli à sa mission."
Sans plus tarder, il a annoncé une série de décisions. A commencer par l’officialisation du remplacement prochain de Jean Marimbert qui gère l’Agence Française de Sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) depuis 2004. Contrairement à l’habitude, ses successeurs (probablement un binome médecin/administratif) devront d’ailleurs être auditionnés par les assemblées parlementaires avant nomination définitive. Au-delà, Xavier Bertrand -qui fait état de la vive préocupation de Nicolas Sarkozy et de François Fillon- entend faire vite dans cette affaire. Il assure que les victimes seront indemnisées. Et, entre autres décisions immédiates, il annonce que désormais les médicaments dont le service médical rendu est classé "insufisant" ne pourront faire l’objet d’un remboursement, comme ce fut le cas du Médiator jusqu’à son retrait du marché en 2009.
Xavier Bertrand décrète aussi qu’à partir de maintenant tout expert ayant un conflit d’intérêt en lien avec un produit examiné par une commission ne pourra participer à la réunion en question, sous peine d’annulation de la décision prise. Suivant en cela les préconisations de l’IGAS, il plaide pour que tout conseiller de cabinet ministériel se soumette aussi à ce type de déclaration, quand bien même il ne s’occuperait pas directement du médicament ou de l’industrie pharmaceutique. Son propos vise aussi à rassurer la population: concernant les 76 médicaments qui font l’objet de dossiers de pharmacovigilance, il attend pour la fin du mois un bilan complet de l’Agence du médicament.
A terme, le ministre de la Santé et sa secrétaire d’Etat Nora Berra estiment aussi qu’il faudra revoir l’articulation entre commission d’AMM (autorisation de mise sur le marché) et de Transparence (service médical rendu) qu’ils jugent trop cloisonnées l’une par rapport à l’autre. Il sont aussi persuadés qu’il faudra revoir la composition de ces commissions : les rendre plus efficaces en réduisant le nombre de membres en leur sein, mais aussi plus transparentes en y faisant siéger notamment les représentants des patients. Le nouveau tandem de l’avenue de Ségur compte aussi changer le processus d’évaluation des produits : Xavier Bertrand annonce qu’à l’avenir, ce n’est pas par rapport à un placebo, mais par rapport au médicament existant le plus proche qu’il faudra jauger de l’intérêt thérapeutique d’une nouvelle molécule. Enfin, il a proposé que désormais le financement de l'Afssaps soit assuré par une subvention de l'Etat et non plus directement par les contributions de l'industrie: l'Etat percevrait donc directement ces redevances, en lieu et place de l'Afssaps.
Une grande réforme avant l’été
Tout cela n’est, semble-t-il, qu’un avant gout, de la réforme globale de la sécurité sanitaire que Xavier Bertrand appelle de ses voeux. Le ministère de la Santé promet de mettre tout le monde autour de la table pour la dessiner et "changer ce qui doit l’être". A court terme, une mission va être lancée pour inspecter l’ensemble des agences sanitaires. Les autorités sanitaires disposeront aussi d’un deuxième rapport de l’Igas centré cette fois sur la réforme de la pharmacovigilance, ainsi que le rôle et le fonctionnement de l’Afssaps. Elles s’inspireront aussi des travaux des parlementaires. La réforme définitive sera annoncée en juin 2001, promet Xavier Bertrand, qui semble bien décidé à marquer un grand coup pour "redonner de la confiance" dans le système de sécurité sanitaire.
Les annonces de Xavier Bertrand sont à la mesure du rapport de l’Igas très sévère sur l’ensemble des acteurs de cette affaire : stratégie du laboratoire Servier vis-à-vis de son produit, "incompréhensible tolérance de l’Agence" et "graves défaillances du système de pharmacovigilance." Estimant que "le Médiator aurait du être retiré du marché dès 1999", l’Igas estime que "le doute a profité au médicament et non au malade". Au passage, les inspecteurs pointent l’insuffisante prise en compte des remontées de pharmacovigilance des prescripteurs: "le système de notification des cas par les profesionnels de santé aurait pu permettre le retrait du Médiator dès 1999, si le principe de précuation s’était appliqué," concluent Aquilino Morelle, Anne-Carole Bensadon et Etienne Marie, auteurs du rapport.
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