« P ARMI les préoccupations des Français en matière de santé, (la sécurité sanitaire) constitue sans doute l'un des plus grands sujets d'inquiétudes », constate, d'entrée de jeu, le ministre. Quitte à avouer : « Au retour du Kosovo, les alarmes des Français peuvent apparaître étranges. »
L'exercice se déroulant « à froid », voilà qui est de nature à « faciliter une pédagogie du risque, afin de ne rien négliger sans pour autant alarmer ». Et à fournir les gages de la bonne utilisation des 900 milliards de francs consacrés chaque année à la santé.
Six dossiers principaux ont été tour à tour ouverts par Bernard Kouchner, avant d'être détaillés par les responsables de son équipe.
- La lutte contre les infections nosocomiales. La France ne fait ni mieux ni moins bien que les autres dans ce domaine ; une nouvelle enquête de prévalence a été décidée (résultats au printemps prochain) et, « dans les prochains jours », un décret précisera les nouvelles modalités de signalements aux CLINS et aux DDASS. Simultanément, une circulaire va être adressée aux hôpitaux et à l'ensemble des professionnels sur l'information des patients.
Au passage, Bernard Kouchner rappelle les mesures qui ont été arrêtées en mars dernier pour la stérilisation et la prévention de la transmission des prions à l'hôpital (373 millions pour les hôpitaux publics et 270 millions pour les cliniques).
- La lutte contre les légionnelles. Après l'alerte ultramédiatisée à l'hôpital Georges-Pompidou, le Conseil supérieur d'hygiène publique de France planche sur la question et doit rendre sa copie le mois prochain. Il y a du travail : entre 1997 et 2000, le nombre des cas déclarés a carrément triplé (certes « en grande partie dû à l'amélioration des techniques de diagnostic et à une meilleure sensibilisation des déclarants »).
- La lutte contre l'usage immodéré des antibiotiques. A la fois dans les hôpitaux et en ville, le recours systématique à des antibiotiques à large spectre ou à des posologies insuffisantes entraîne l'émergence de bactéries résistantes. La France est classée parmi les pays d'Europe où le problème est le plus préoccupant (avec l'Italie, l'Espagne et la Grèce). Une mission a été confiée sur le question à trois experts (Pr Benoît Schlemmer, Anne-Claude Crémieux et le Dr Olivier Reveillard). Les conclusions seront publiées à la rentrée de septembre.
- Risque de maladie de Creutzfeldt-Jacob. Bien que ce soit la voie alimentaire qui demeure la source majeure de contamination de l'homme à l'ESB, Bernard Kouchner veut régler encore quelques points concernant la voie iatrogène et, en particulier, la suppression de tous les produits d'origine bovine dans la fabrication des médicaments. Visée notamment, la gélatine utilisée pour la préparation des gélules. Toutes les AMM vont être révisées selon la procédure de certification européenne en vigueur.
- VIH et hépatites. S'agissant du SIDA, les bons résultats des dernières années (on est passé de 2 000 morts en 1994 à 600 en 1999) ne sauraient faire oublier le relâchement des comportements de prévention, en particulier dans les lieux de rencontres homosexuels. Bernard Kouchner annonce une campagne d'information et de prévention qui débutera dans la deuxième quinzaine de juin, et qui s'annonce « très explicite ».
Pour l'hépatite C, l'objectif est que « plus de 80 % des personnes relevant d'une indication thérapeutique soient sous traitement ». En outre, une brochure de recommandations va être diffusée auprès de tous les professionnels concernés par les soins corporels, tatouages et autres piercing, dont les effractions constituent des portes possibles du virus.
- Les risques environnementaux. Après la création de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (« JO » du 10 mai), la surveillance s'exerce tous azimuts et éléments confondus : l'air (avec en particulier le suivi par l'Institut de veille sanitaire des particules en suspension dans le métro et le RER), l'eau (surveillance très rigoureuse par la DDASS des eaux dans le département sinistré de la Somme), les radiations (surveillance des cancers de la thyroïde par l'InVS, pour mesurer un possible « effet Tchernobyl », même si Bernard Kouchner ne se dit pas alarmé sur ce dossier). Et le monde du travail (traçabilité des expositions aux éthers de glycols).
Sur quantité d'autres sujets, le ministre et sa « dream team » promettent du nouveau dans les jours qui viennent, comme le très important programme de dépistage du cancer du sein (annonce en sera faite conjointement avec Elisabeth Guigou), ou le dispositif sur l'aléa thérapeutique (en cours d'arbitrage à Matignon, et qui devrait être présenté en juillet au conseil des ministre) ; ce texte, selon Bernard Kouchner, devrait nous « prémunir contre l'immense majorité des recours judiciaires qui font que la dérive à l'américaine est devenue une dérive à la française ».
Patience sur d'autres sujets, comme l'amélioration de la prise en charge des malades en fin de vie : « Quand les soins palliatifs sont insuffisants et impuissants, il faudra que nous réfléchissions et que nous prenions des décisions. »
Quelques blocages soulèvent encore l'ire ministérielle, comme celui observé sur l'acharnement mis à prescrire des princeps là où les génériques rendraient le même service médical. Cela dit, Bernard Kouchner conclut comme il a commencé : malgré ses inégalités, le système de santé français est le meilleur du monde : classé au premier rang par l'Organisation mondiale de la santé.
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