A l'invitation du ministre délégué à la Santé Bernard Kouchner, un aréopage de chirurgiens vient de passer une journée entière à essayer de répondre à la question « Où va la chirurgie ? » (« le Quotidien » du 18 mars).
En « famille », ils n'ont pas longtemps tourné autour du pot. Si rien ne change, c'est « dans le mur », que se précipitent les chirurgiens à courte échéance. Libéraux ou hospitaliers, universitaires ou non et quelle que soit leur spécialisation, ils l'ont tous reconnu.
Désertion
Longtemps prestigieuse, la chirurgie continue de faire « rêver » les tout jeunes aspirants médecins, ainsi que l'a expliqué Benoît Elleboode, vice-président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF). Mais le rêve cède le pas au pragmatisme au fur et à mesure que les médecins en formation avancent dans le cursus. Le Pr Jacques Beaulieux, président de la Fédération des collèges de spécialité chirurgicale a mené son enquête auprès des jeunes. Pourquoi pas la chirurgie, leur a-t-il demandé ? Réponses : d'abord à cause de la « pénibilité » et des « contraintes », ensuite par « souci financier ». Pour l'année universitaire 2001-2002, on ne peut même plus parler de désaffection. La désertion est à l'uvre : les lauréats frais émoulus du concours de l'internat ont été deux à choisir la chirurgie générale et digestive à Paris, zéro à Lyon et à Marseille. L'avenir apparaît d'autant plus sombre que la crise des vocations chirurgicales est à croiser avec le vieillissement annoncé des chirurgiens actuellement en exercice, les problèmes que pose leur hyperspécialisation (14 spécialités chirurgicales coexistent aujourd'hui), les progrès technologiques galopants, l'inégale répartition des chirurgiens sur le territoire - laquelle laisse déjà apparaître des « trouées d'insécurité », dénonce le Dr François Aubart, chirurgien et président de la Coordination médicale hospitalière (CMH).
Un phénomène européen
La chirurgie française n'est pas la seule en Europe à être malade. La Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la Suède connaissent la même situation, explique le Dr Gilles Fourtanier, représentant de la France à la section de chirurgie de l'Union européenne des médecins spécialistes (UEMS).
Cela étant, l'Allemagne, la Belgique ou l'Espagne, où les chirurgiens sont pléthore au point qu'ils ont parfois du mal à trouver du travail, prouvent qu'il n'y a pas de fatalité.
Aussi Bernard Kouchner, qui a bien pris la mesure des dangers qui guettent la chirurgie française - « le maintien du statu quo est impossible » - exhorte les professionnels à réagir. Le ministre reprend à son compte l'idée, proposée par les groupes de travail constitués par son ministère sur ce sujet (« le Quotidien » du 31 janvier), de créer des équipes de « chirurgiens volants », intervenant dans plusieurs établissements à la fois. Il prône le développement de la chirurgie ambulatoire. Il prévient aussi qu'il n'y aura plus d'offre de soins chirurgicaux partout : « Il vaut sûrement mieux parcourir plus de kilomètres et être assuré d'un niveau de sécurité et de continuité des soins que d'avoir une réponse de proximité insuffisante. J'insiste sur l'effort de pédagogie que nous devons, collectivement, effectuer auprès de populations. »
Pour faire revenir les jeunes dans les spécialités chirurgicales, il propose des sous et davantage de responsabilité, n'excluant ni de « rétribuer la pénibilité de certains exercices professionnels ou la lourdeur des contraintes organisationnelles qu'ils supposent », ni de donner aux chirurgiens une « place plus importante en matière de gestion des personnel, de politique d'achat et de gestion des matériels et des stocks, et de responsabilité budgétaire quant à (leur) activité ».
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