FAUT-IL S'EN RÉJOUIR ? Silvio Berlusconi est un animal politique très exotique auprès duquel les « déviances » de Nicolas Sarkozy ne sont que roupie de sansonnet. Pourquoi ne pas le rappeler : dans le machisme, dans la grossièreté, dans l'arrogance de son comportement, « Sua Emittenza » a largement de quoi décourager le plus compréhensif des électeurs. On nous dit qu'il a changé, mais c'est quand même un candidat qui a osé déclarer il y a quelques jours : «Les femmes de droite sont jeunes et belles, les femmes de gauche sont ménopausées.»
On est donc conduit à douter de la sagacité de l'électorat qui vient de faire au « Cavaliere », un triomphe définitif. Ou alors, on pensera que la gauche de Romani Prodi a déçu les Italiens au point de les amener à préférer Scylla à Charybde. M. Veltroni n'a pourtant manqué ni d'habileté politique ni de charisme. Peut-être son échec se cache-t-il dans les propos désabusés qu'il tient parfois. Il disait que M. Berlusconi n'était plus le même homme et qu'il n'avait pas la même envie de gagner qu'autrefois. Ce jugement s'appliquerait-il à M. Veltroni lui-même ?
La France en pire.
Il est vrai cependant que, en dehors de ses algarades, M. Berlusconi, 71 ans, a quelque peu mûri. Il semble conscient de l'énormité des problèmes italiens : une croissance limitée à un demi-point par an depuis huit ans, des déficits et une dette de 106 % du PIB. C'est la France en pire. Autre point positif : dès que sa victoire a été connue, il a annoncé des épreuves à ses concitoyens. On ne saurait donc l'accuser de sombrer une fois encore dans la démagogie ; il a peut-être tiré de ses deux passages au pouvoir (1994-1995 et 2001-2006) une sagesse qu'on ne lui connaissait pas.
La dimension de la victoire de Silvio Berlusconi fait apparaître d'autres sujets de réconfort. Le « Cavaliere » et son adversaire du Parti démocrate ont réussi à bipolariser un électorat depuis longtemps fragmenté en une myriade de partis ; bien que la Ligue du Nord, un mouvement intolérant et séparatiste à l'origine, ait doublé son score (à 8 %), son chef, Umberto Bossi, a pris l'engagement lundi soir de ne pas prendre la majorité en otage. Il demeure qu'il représente, dans tout vote, une force d'appoint essentielle.
Enfin, l'extrême-gauche (que l'on ne peut appeler ainsi que par comparaison avec la France, mais elle est différente de notre extrême-gauche), a été laminée par le scrutin.
On peut ou non regretter que M. Berlusconi l'ait emporté, mais on se satisfera de ce qu'il pourra enfin gouverner sans avoir à cajoler un parti représenté par trois députés et qui lui impose ses exigences ; enfin, on note qu'il existe en Italie un consensus pour la réforme, de l'Etat, des institutions, de l'économie et de la dépense publique. L'intégrité de M. Veltroni garantit qu'il ne s'opposera pas aux réformes les plus nécessaires.
LE SCRUTIN ITALIEN TRADUIT UNE SIMPLIFICATION ESSENTIELLE DU RAPPORT DE FORCE POLITIQUE
La croissance, c'est contagieux.
Même si le personnage de Berlusconi ne nous inspire guère, nous souhaiterons bon vent à nos amis italiens, car leur bien-être est aussi le nôtre. L'Italie a furieusement besoin de se ressaisir ; elle doit retrouver son dynamisme industriel des années soixante ; elle doit confirmer sa suprématie dans le design, l'innovation industrielle, l'exportation ; elle doit améliorer sa productivité, réduire ses dépenses collectives et regagner la place qu'elle occupait il n'y a pas longtemps en Europe.
Il n'existe en effet aucune fatalité de la stagnation économique. Les résultats des pays membres de l'Union européenne sont très différents. Ceux qui ont su prendre leur sort en main et récuser la résignation ont créé des emplois et relancé la machine économique dans un contexte identique de l'Atlantique à l'Oural. Ce raisonnement vaut pour l'Italie comme pour la France et dès lors que nos économies et nos cultures sont très imbriquées, nous ne gagnerions rien à la déprime ou à l'apathie italienne. Nos vosins sont jaloux des Espagnols, qui les devancent désormais en termes de produit per capita. Il ne tient qu'à eux de reconquérir leur place au sein de l'Europe. Et nous serons ravis si leur retour à la croissance est contagieux.
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