La loi eHealth est un peu à l'image de la situation politique belge : elle apporte plus de confusion qu'elle ne résout de problèmes. Au point de pousser les associations médicales à publier en juillet un communiqué, à la veille du vote, détaillant longuement leurs réserves. Tandis que l'Académie royale de médecine en dénonçait de son côté les dangers et risques de dérives. Toutes ces organisations se disent cependant favorables à la promotion d'échanges électroniques sécurisés de données de santé et, pour la plupart d'entre elles, à l'image de la FRATEM*, pilote du Réseau Santé Wallon (RSW), y sont déjà engagées.
Le bât blesse, en premier lieu, sur la protection de la vie privée. La plate-forme pourra en effet utiliser le numéro du registre national (unique identifiant auprès de toutes les administrations) et la notion de consentement informé du patient ne figure pas explicitement dans la loi.
Les médecins pas représentés.
Deuxième point d'achoppement : sa gestion au quotidien est confiée à la Banque Carrefour de la Sécurité sociale (BCSS ), agence chargée du développement de la e-administration pour les institutions de Sécurité sociale. Certes, la BCSS devrait exécuter les décisions d'un comité de gestion de 31 membres, mais les médecins s'y trouvent sous-représentés.
Un autre volet de la loi suscite également la méfiance : l'association sans but lucratif chargée de la définition et de l'organisation des flux de données cliniques.
«Cette association, eCare, existe et collecte des données depuis un an, même si elle n'avait pas d'assise légale, commente le Dr André Vandenberghe, adjoint à la direction générale du CHU de Charleroi. Or c'est là que va se trouver le vrai centre du pouvoir, alors que la plate-forme représente surtout une affaire de logistique. Mais les médecins, censés y siéger, n'y sont pas représentés.» Le chef de projet du RSW résume en quelques mots le sentiment général face à eHealth : ambiguïté, flou, manque de concertation. «Quelle place y prendront, par exemple, les réseaux régionaux?», se demande-t-il.
Pour le Dr Johan Brouns, de la Domus Medica (cercle des médecins généralistes flamands), «la ministre n'a pas vraiment bien vendu sa loi! Du coup, même les médecins qui ont commencé à travailler en réseau et pourraient communiquer avec eHealth se montrent inquiets. Or ce type de projet exige de la confiance».
Tout aussi sévère, le vice-président de l'ABSyM**, le Dr Jacques de Toeuf, estime qu'il reste quand même quelques marges de manoeuvre : « Nous avons eu l'accord de l'administrateur de la BCSS sur nos demandes qui concernent notamment le secret absolu des échanges et leur cryptage, ainsi que la présence des responsables de réseau dans la gestion de eHealth.» Les mois qui viennent seront déterminants.
* Fédération régionale des associations de télématique médicale.
** Association belge des syndicats médicaux.
Le texte de loi peut être téléchargé sur le site : www.behealth.be
Repères
Le projet repose sur l'échange d'informations restant stockées chez leurs producteurs (médecins, établissements...) ; la plate-forme est destinée à faciliter les accès et à développer les services. Il n'est pas prévu de constituer un dossier patient centralisé, ni – à cette étape – d'accès par les patients à ces données.
eHealth prend la suite d'un programme du ministère (service public fédéral [SPF] Santé publique) intitulé BeHealth, en l'ouvrant à l'ensemble des acteurs de la protection sociale. Son champ d'action est large, au-delà des données médicales et de la prescription électronique.
Plusieurs réseaux se sont développés ces dernières années pour interconnecter les dossiers médicaux informatisés, entre hôpitaux et avec la médecine de ville. Le plus avancé est le réseau santé Wallon qui prévoit de se connecter aux réseaux de Bruxelles et de Gand, soit une couverture de la moitié de la population belge.
L'intégration logicielle en cours (technologie des Web services) permet à un médecin de faire une requête et d'en obtenir les résultats, à partir de son système habituel.
L'homologation des logiciels, lancée en 2000 par le SPF, concerne 19 programmes en médecine générale et s'étend progressivement aux paramédicaux. Utiliser un logiciel homologué se traduit par une subvention annuelle d'un peu plus de 800 euros.
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