P AS moins de 450 volontaires ont présenté leur candidature à « Bedrest 2001 ». Missionné par les agences spatiales européenne (ESA), française (CNES) et japonaise (Nasda), MEDES, l'Institut de médecine spatiale, a procédé à une sélection drastique. 14 hommes âgés de 25 à 45 ans, mesurant entre 1,65 m et 1,85 m, tous originaires d'un pays de l'Union européenne étant finalement retenus (« le Quotidien » du 6 février).
Lundi, les deux premiers d'entre eux ont rejoint leur chambre, au CHU de Toulouse-Rangueil (Haute-Garonne). Ils la garderont trois mois durant, en position allongée inclinée de six degrés, tête vers le bas, pour reproduire au sol les effets de l'impesanteur sur l'organisme. Tous les jours jusqu'à dimanche, deux nouveaux volontaires feront de même. Six des quatorze sujets sont donc ce matin à pied d'uvre.
Trois groupes de volontaires
L'étude, qui fait suite à plusieurs campagnes d'une semaine menées en France de 1979 à 1981, puis en 1982 (deux semaines) et en 1994 (six semaines), s'organise selon trois protocoles et trois groupes de volontaires. Le premier groupe se soumettra à l'expérience de décubitus simple, sans contre-mesures. Le deuxième se livrera à des exercices physiques à raison de trois séances hebdomadaires, de manière à maintenir un certain niveau d'activité physique et à tenter de compenser la perte de matière musculaire. Ces exercices intensifs devraient, par la même occasion, exercer une action bénéfique sur l'intégrité et la structure osseuse. L'appareil d'entraînement, qui sollicitera fortement différents groupes musculaires, a été naturellement conçu pour être utilisé en position décubitus.
Le troisième groupe, enfin, recevra un traitement destiné à stabiliser le tissu osseux, de manière à compenser la déminéralisation observée dans celui-ci lorsqu'il est soumis à des conditions de cette nature.
Une période préparatoire de quinze jours pendant lesquels seront collectées des données-témoins va encore laisser les volontaires vivre normalement, en position debout quand ils le souhaitent. Puis ils attaqueront leurs quatre-vingt-dix jours de décubitus non-stop.
Chacun d'eux sera soumis au même traitement : ils pourront lire, regarder la télévision et se livrer à d'autres activités de loisirs, à condition de rester en position quasiment horizontale. Même pour effectuer leur toilette, ils garderont la même inclinaison et utiliseront pour cela un bassin spécial. Ils ne pourront recevoir aucune visite de l'extérieur et n'auront droit qu'à un contact téléphonique avec leurs proches, de manière à reproduire des conditions d'isolement et de confinement analogues à celles des astronautes à bord des navettes spatiales.
Leur indemnisation a été fixée dans la limite annuelle de 25 000 F prévue par la loi Huriet, somme qu'ils percevront à trois reprises jusqu'en 2003, pour un montant total de 75 000 F.
C'est le Pr Elisabeth Rosnet (CHU de Reims) qui a procédé à la sélection psychologique des candidats. Un exercice de routine pour cette spécialiste des environnements difficiles, précédemment en charge du recrutement des volontaires pour les missions dans l'Antarctique.
Parmi les candidats retenus, on trouve un professeur d'histoire-géographie, un employé du bâtiment, un psychiatre, un facteur, un jardinier et un comptable. Quelques demandeurs d'emploi ont aussi été retenus, même si le directeur exécutif du MEDES, Laurent Braak, affirme que « le critère financier, naturellement présent à l'esprit de tous les volontaires, n'est jamais la motivation principale ; celle-ci réside dans la curiosité scientifique, la volonté du dépassement de soi ou le désir de vivre une expérience tant personnelle que professionnelle hors du commun ».
Des risques de flancher
Pour la trentaine de médecins, infirmières, kinésithérapeutes, psychologues qui vont se relayer 24 heures sur 24 à Rangueil, « Bedrest 2001 » s'annonce comme une expérience délicate. « Une attention particulière sera portée au suivi psychologique, souligne le Dr Antonio Guell, directeur des recherches physiologiques au CNES. Ce genre de manipulation très dure ne présente guère de risques médicaux mais peut faire flancher certains, comme dans le passé, lorsqu'un volontaire qui avait craqué, atteint d'un mal de dos irréductible. »
En effet, « on se trouve au cur de la problématique de toute recherche clinique, estime Laurent Braak, avec l'habituelle analyse du bénéfice-risque. Les limites de faisabilité et d'acceptabilité sont sans doute atteintes, même si d'autres sont allés plus loin que nous, comme les Russes qui ont mené des expérimentations analogues sur une année ».
Le contrôle du bon déroulement de l'expérience est maximal : les chambres sont « monitorées » 24 heures sur 24 et les bandes visionnées uniquement par des médecins. Les lits sont équipés de capteurs qui enregistrent les points de pression du corps.
A la clé, au-delà des retombées en médecine spatiale pure, le MEDES espère recueillir une précieuse moisson de résultats en physiologie humaine, notamment dans le traitement des patients soumis à un alitement prolongé.
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