À L'ÉPOQUE (RÉCENTE) où les deux « principaux » candidats se situaient autour de 30 %, la gageure de M. Bayrou semblait intenable, car il se trouvait dans le peloton des « petits » candidats et semblait ne pouvoir remporter qu'un succès relatif : ravir la place de troisième à Jean-Marie Le Pen. Il l'a déjà fait. Mais il a continué à progresser dans les sondages en affaiblissant – successivement ou parallèlement – Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal.
Si on accepte l'hypothèse haute, celle des 24 %, trois candidats sont dans un mouchoir de poche, avec Mme Royal à 25 % et M. Sarkozy à 26 %. L'écart entre les trois, compte non tenu des impondérables, des indécis (près de un Français sur deux) et des approximations liées aux enquêtes d'opinion, est donc nul. Ce qui signifie qu'on peut organiser trois sortes de binômes pour le second tour.
Une candidature légitime.
En effet, il peut y avoir trois cas de figure possibles : Ségo-Sarko, Ségo-Bayrou, Sarko-Bayrou.
Le président de l'UDF, c'est évident, prend des voix dans les deux camps. Et s'il arrive au second tour, il sera sans doute un candidat irrésistible contre Nicolas Sarkozy, car les socialistes, un peu comme en 2002, lui donneront leurs voix en désespoir de cause, pour empêcher M. Sarkozy de passer ; et un candidat irrésistible contre Ségolène Royal, parce que les électeurs de M. Sarkozy feront de M. Bayrou leur pis-aller.
La candidature de François Bayrou est parfaitement légitime ; il a de l'ambition comme tout le monde, mais son entêtement à se battre contre l'UMP est inscrit dans le rapport de forces que Jacques Chirac a établi avec le centre-droit en 2002, au lendemain d'une élection, certes triomphale, mais qui l'avait porté au pouvoir par défaut.
M. Chirac aurait pu au moins ouvrir l'UMP et le gouvernement Raffarin à d'autres sensibilités ; il aurait pu se rappeler que, dans les 82 % de Français qui avaient voté pour lui au second tour, tous n'étaient pas chiraquiens et qu'ils souhaitaient seulement écarter Jean-Marie Le Pen. Il n'en a rien fait.
TROIS CAS DE FIGURE AU PREMIER TOUR / SARKO-SEGO, SARKO-BAYROU, SEGO-BAYROUAujourd'hui, M. Sarkozy risque de payer le choix stratégique fait par Chirac il y a cinq ans. Il en découle que M. Bayrou ne doit son succès à personne, qu'il est libre de toute influence, y compris de ses anciens amis de l'UDF qui ont condamné sa démarche et ont rallié le président actuel de l'UMP. M. Bayrou présente aussi un certain nombre d'idées qui sont fortes et sincères et méritent d'être appliquées.
Mais le candidat centriste n'est pas, comme il le prétend, un homme de droite et de gauche à la fois. Tout son parcours politique et notamment sa présence dans les gouvernements Balladur et Juppé, la méfiance que la gauche lui a toujours inspirée, et même ses propositions pour sortir la France de l'ornière montrent sans conteste possible qu'il est plutôt libéral en économie, qu'il réduirait l'influence de l'Etat dans la vie de la société française et qu'il serait chiche des deniers publics.
On note d'ailleurs que le chiffrage de son projet est le moins élevé des trois, et qu'il ne manquerait pas d'appliquer une politique d'austérité puisqu'il s'est engagé à réduire les déficits publics et la dette nationale.
Cela ne ressemble nullement au projet de Mme Royal ; et on voit mal comment des socialistes qui, déjà, trouvent que Mme Royal s'éloigne d'un principe fondamental de la gestion socialiste, fiscalité plus élevée et dépenses plus grandes, adhéreraient de près ou de loin aux idées de M. Bayrou et a fortiori à son gouvernement.
L'UDF n'existe plus.
De même, on voit mal les troupes de M. Sarkozy, qui, aujourd'hui, ne ménagent guère M. Bayrou, accusé par elles de tous les péchés et de toutes les contradictions, le rejoindre avec enthousiasme.
François Bayrou, comme tout candidat à la présidence, compte ensuite sur la dynamique de l'élection présidentielle pour obtenir une majorité. Elle sera, dit-il, présidentielle, c'est-à-dire que les Français voteraient, aux législatives, pour des candidats à la députation se réclamant du président élu.
Comme cet homme est étonnant, on peut toujours penser qu'il nous étonnera encore et qu'il y aura effectivement une majorité de députés bayrouistes. Mais on peut croire aussi qu'il lui faudra franchir un obstacle insurmontable : l'UDF n'existe pas vraiment, puisque ses fleurons ont rallié l'UMP. Certes, il faut toujours compter avec la direction du vent et on dénombre, en politique, beaucoup de spécialistes du doigt mouillé ; et il est vrai que certains leaders, venus de la société civile, ne considéreraient pas comme immoral de rallier François Bayrou.
Il demeure que l'Assemblée risque aussi d'être dominée par le PS et par l'UMP et que, dans ce cas, M. Bayrou se retrouverait dans une situation dramatique. On ne l'écrit pas ici pour dissuader quiconque de rejoindre cet homme courageux : il a construit dans une solitude presque absolue l'image très positive qui lui vaut maintenant de figurer parmi les trois présidentiables. Il répond à une attente de ses concitoyens : il a saisi mieux que d'autres le souffle contestataire qui balaie le pays et, s'il s'est emporté contre la presse et les médias, c'est uniquement pour montrer au peuple qu'il s'oppose à tous les pouvoirs.
Cette attitude est quand même populiste. Il peut la corriger plus tard. Mais, contrairement à ses deux rivaux, la présidence de la République ne lui suffit pas ; il lui faut une majorité parlementaire ; ils peuvent l'avoir, alors que lui n'en est pas sûr du tout.
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