IL Y A DE LA VERTU, de la constance et du panache chez François Bayrou qui poursuit sa réflexion et son action politiques avec obstination et se défend de vouloir pactiser avec la gauche ou la droite. Il y a aussi un petit peu de ridicule quand il affirme entrer en « résistance », terme qui semble sous-entendre que la France vient de sombrer de nouveau dans le pétainisme.
Plus on observe son entreprise et plus on a le sentiment qu'il a mis la charrue devant les boeufs. Il croit, ou il prétend qu'il croit, qu'il va bâtir en un mois un parti qui représenterait près d'un cinquième de l'électorat. Ce n'est pas raisonnable. Lors de l'élection présidentielle, il a apporté une offre politique différente qui, au-delà des électeurs centristes, a séduit des électeurs de droite ou de gauche. Mais dès son élimination au premier tour, d'une part, ses électeurs sont retournés vers leur origine et, d'autre part, la plupart des députés UDF, dont beaucoup avaient contribué avec vigueur à sa campagne, ont rejoint leur alliance traditionnelle avec l'UMP.
Condamné à la solitude.
Qui les centristes vont-ils élire le mois prochain ? Les candidats de M. Bayrou ou ceux de l'UDF ? En créant son Mouvement démocrate pour élargir le centre, M. Bayrou commence par tuer son propre parti. Loin d'additionner de nouveaux électeurs à ceux de l'UDF, il s'en va quérir des voix improbables tout en laissant à ses anciens amis quelque peu écoeurés par sa stratégie, certes tenace mais pratiquement suicidaire, les voix sûres qu'il avait. Il va passer de 18 % à un score proche de celui de Cnpt.
L'ENDURANCE DE BAYROU SERT A MASQUER SON AMBITION
En réalité, M. Bayrou était condamné d'avance à la solitude. Son entreprise ne pouvait avoir de signification que dans un cas extrême et un cas hypothétique : soit il parvenait à éliminer la candidate socialiste et il battait M. Sarkozy en s'appropriant les voix de presque toute la gauche ; soit un scrutin proportionnel était instauré dès cette année (par qui, comment ?) et alors il aurait moins de difficultés à faire élire assez de députés pour disposer d'un groupe à l'Assemblée nationale.
Mais les institutions fonctionnent comme des pinces impitoyables pour tout parti minoritaire, au point que même un score de 18,57 %, quand il n'est que le pourcentage du candidat éliminé, ne suffit pas à conférer un rôle à celui qui l'a obtenu. Après une offre politique au centre qui a attiré beaucoup plus de monde que prévu, il va y avoir une offre politique centriste à la fois trop abondante et divisée. Nous aurons le choix en effet entre les candidats de la vieille UDF et les nouveaux (et inconnus) candidats de M. Bayrou, alors même que la fameuse percée de M. Bayrou n'a pas été concluante.
Inutile de dire qu'avec un scrutin à deux tours, qui obligera les candidats à la députation à obtenir au moins 12,5 % au premier tour pour se maintenir au second, ne se maintiendront vraiment que les centristes qui, au préalable, auront conclu un accord de désistement avec l'UMP.
Un miracle peut toujours se produire, mais la logique de la Ve République et les chiffres ne jouent pas en faveur de M. Bayrou et de ceux qui le rallieront : ils courent tous à l'abattoir.
François Bayrou, en réalité, doit encore faire un effort : créer son mouvement, le mettre au travail pour les cinq ans à venir, en faire une force d'appoint capable de jouer les arbitres et repartir pour la bataille de la présidentielle en… 2012. Encore faudra-t-il que Nicolas Sarkozy, qui est très sérieux quand il parle d'une ouverture à gauche et au centre, laisse M. Bayrou respirer et que les socialistes, auxquels il a causé le plus de tort, ne vont pas s'acharner contre lui, en rappelant à tous les électeurs de gauche ce qu'il en coûte de voter ailleurs. Encore faudra-t-il que M. Sarkozy échoue dans sa tâche, ce qui n'est pas du tout certain. Et que les socialistes ne bénéficient pas de l'impopularité éventuelle du pouvoir. Bref, François Bayrou veut surtout exister. En public, il attribue sa démarche à une endurance qui, en réalité, masque son ambition privée de ses moyens. L'hirondelle du premier tour ne fait pas le printemps des législatives.
Chez les socialistes.
Le Parti socialiste n'aborde pas les législatives dans un meilleur état. Psychologiquement, il est sonné par une défaite qui permet à Dominique Strauss-Kahn et à Laurent Fabius de présenter des programmes contradictoires. Fort heureusement pour les socialistes, des accords électoraux ont déjà été conclus avec les chevènementistes et les radicaux de gauche. En revanche, les Verts présentent le double inconvénient de ne pas apporter un appoint suffisant et d'avoir des prétentions excessives. Quant à l'extrême gauche, elle continue à rêver.
Même si la sagesse recommande aux ténors du parti de passer le cap des élections avant de régler les comptes, l'atmosphère est très lourde au PS : d'abord, il y aurait un différend très vif entre François Hollande et Ségolène Royal, ce qui risque de compliquer le leadership du premier secrétaire dans la campagne qui arrive ; ensuite, le choix entre social-démocratie rénovée et barre à gauche, toute ! risque de casser le parti.
Ce ne sont pas des conditions idéales pour priver le nouveau président de la majorité dont il a besoin pour gouverner. Le peuple décidera. Mais le mode de scrutin a déjà fait la moitié du travail de M. Sarkozy, en plongeant M. Bayrou dans un abîme après qu'il a été porté aux nues, en laminant l'extrême gauche et l'extrême droite au moyen du vote utile et en donnant des ailes au président élu au second tour de la présidentielle.
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