ANTIQUITES
PAR FRANCOISE DEFLASSIEUX
S I elle eût été moins belle, le cours de l'Histoire en eût été changé. C'est pour ses beaux yeux et sa plastique impeccable que le conventionnel Tallien trouva le courage et l'énergie d'affronter Saint-Just et de mobiliser l'Assemblée qui, en moins de 48 heures, renversa Robespierre et le mena à la guillotine avec ses partisans.
Cela se passait le 9 et le 10 Thermidor de l'An II et l'événement sauva, non seulement la marquise de Fontenay, enfermée à la Force pour cause de particule, mais aussi Joséphine de Beauharnais et Aimée de Coigny (la « Jeune Captive », d'André Chénier) qui s'y trouvaient pour la même raison, avec d'autres suspects des deux sexes, attendant avec résignation leur tour de charrette.
C'est ainsi que l'amour mit fin à la Terreur et que Thérésa Cabarrus, ci-devant marquise de Fontenay, nimbée de l'auréole républicaine de
« Notre-Dame de Thermidor », devint la citoyenne Tallien et l'égérie du Directoire. Ils vécurent heureux quelque temps et eurent une fille prénommée Rose-Thermidor, puis ils divorcèrent, lui tombant en disgrâce, elle devenant princesse avec beaucoup d'autres enfants qui firent de nombreux descendants.
Amie intime de Joséphine et d'Aimée de Coigny, Thérésa était mille fois plus belle, de cette beauté antique et régulière tant appréciée du néo-classicisme. C'est elle qui lança la mode des tuniques à la grecque transparentes, largement décolletées et fendues haut, qui faisaient valoir sa gorge, ses bras et ses jambes. Tunique que l'on réchauffait d'un grand châle de couleur en cachemire des Indes dont Napoléon s'efforcera plus tard, en vain, d'interdire l'importation. C'est aussi chez Mme Tallien que le général Bonaparte rencontra Joséphine en 1795.
Elle a 31 ans en 1804, quand Gérard la représente, dans la plénitude de sa beauté marmoréenne, dix ans après les événement tumultueux de Thermidor. Le portrait en pied s'inscrit comme sur une scène de théâtre, la jeune femme y pose en déesse antique, ou en allégorie, couronnée de fleurs, encadrée par un lourd rideau de scène. Notre-Dame de Thermidor va bientôt de devenir princesse de Caraman-Chimay et sa légère tunique des années 1795 commence à s'assagir, à s'alourdir, à évoluer vers la mode de l'Empire.
Cette grande toile (212 x 127 cm), demeurée jusqu'à ce jour chez les descendants du modèle, a rarement été exposée. Disciple de David, François Gérard (1770-1837), nommé baron sous la Restauration, fut le portraitiste à la mode du Premier Empire.Toutes les personnalités et les dignitaires de l'époque ont défilé dans son atelier. Tel un bon photographe, Gérard à l'art de faire des portraits ressemblants mais subtilement flattés qui estompent les défauts et valorisent les qualités d'un visage. La chute de Napoléon ne lui porte pas préjudice ; après 1815, il devient le portraitiste de la Restauration, les modèles étant d'ailleurs souvent les mêmes.
Conservés dans les familles, ou dans les musées, les tableaux de Gérard sont assez rares sur le marché. Leur prix dépend avant tout de la notoriété du modèle et de son esthétique. En novembre 1999, toujours à l'étude de Bayeux, un portrait de Napoléon en costume de sacre et une réplique du fameux « Corinne au cap Misène », deux grandes toiles de formats analogues à celle-ci, ont été adjugées respectivement 4 M et 1,150 MF. On attend environ 6 millions du portrait de Mme Tallien qui réunit à la fois la célébrité, la grâce féminine et la réminiscence historique, et a donc a priori tout pour plaire.
Lundi 16 avril, 14 h 15, Salons Novotel, étude Bailleul et Nentas.
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