Le président de la République déclarait officiellement le 27 novembre 2017 : « J’ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et, au plus tard dans trois ans ». Or, dans le projet de loi sur l’agriculture et l’alimentation, le texte ne fait aucune mention du glyphosate. Le ministre de l’Agriculture indique que « la loi n’a pas besoin de préciser ce point qui va de soi ». Et l’on sait que l’on peut accréditer la parole de l’Etat en toute occasion. Il ajoute en avoir assez « des petits marquis de l’Ecologie ». C’est sur un point plus grave, sur le plan des principes et des valeurs démocratiques qu’une une voix s’est élevée à l’Assemblée nationale, celle de la députée Delphine Batho qui va sidérer l’auditoire en dénonçant toutes à la fois des pratiques négligentes et malveillantes c’est-à-dire malhonnêtes et contraires à la démocratie.
On ne mène pas Delphine en bateau
A la tribune elle assène : « Je veux informer l’Assemblée nationale et les citoyens qui nous regardent d’une atteinte à la souveraineté de nos délibérations qui s’est produite durant les travaux préparatoires sur ce projet de loi et qui ne peut pas être passée sous silence. Dans mon travail de députée, comme dans mes fonctions gouvernementales, je pensais avoir tout vu, ou presque, des agissements des lobbies. Je n’imaginais pas que, dans une nouvelle étape ultime de leur influence sur la décision publique, ils auraient désormais accès aux informations de la base de données des amendements déposés par les députés avant même que ceux-ci ne soient traités par les services de l’Assemblée nationale. C’est ce qui s’est produit sur mon amendement CD182 le 22 mars dernier. Il ne s’agit pas de n’importe quel amendement puisque c’est celui qui interdit le glyphosate en trois ans. Il s’avère, sans le moindre doute possible, que cet amendement est parvenu à l’UIPP (Union pour la protection les plantes) qui regroupe Monsanto, Bayer, BASF, Syngenta entre autres, le 23 mars plus de 90 heures avant qu’il ne soit publié et porté à votre connaissance. J’ai saisi le 30 mars le président de l’Assemblée nationale de ces faits de la nécessité de rechercher les responsabilités et surtout de protéger nos délibérations de cde genre d’influences. J’ai fait confiance à la réactivité de notre institution, mais, à ce jour, bien qu’on m’ait assuré qu’une enquête rigoureuse allait être menée, que ce problème était pris très au sérieux, malgré le soutien de la présidente de la Commission du développement durable et de la déontologue de notre assemblée, plus d’un mois et demi après je n’ai toujours pas de réponse précise autre que celle qu’un « le travail est en cours ». Mes questions sont extrêmement simples.
Comment l’UIPP peut-elle avoir connaissance d’un amendement interdisant le glyphosate dès le stade où une Députée le rédige et le dépose ?
Oui ou non, l’application ELOI, permettant le dépôt des amendements, est-elle en réalité une espèce de base de données en Open Data, ouverte à tous les vents, et en particulier aux lobbies ?
Oui ou non, l’Assemblée nationale va-t-elle s’élever contre le fait que cet amendement interdisant le glyphosate se retrouve dans les mains de Bayer Monsanto qui ont le temps de préparer leurs argumentaires avant même que son existence soit portée à la connaissance des parlementaires ?
Oui ou non, l’Assemblée nationale va-t-elle réagir quand ledit argumentaire et diffusé par un email de Dow Chemical transmis à ses relais et demandant à ces destinataires, je cite « de sensibiliser vos députés. Chaque Député est-il désormais fiché par les lobbies en fonction de ses convictions ?
En fin et surtout, oui ou non, l’UIPP qui est soumise au code de déontologie applicable à tous les représentants d’intérêts en application des lois récentes sur la transparence de la vie publique va-t-elle faire l’objet d’une mise en demeure de l’Assemblée nationale comme le prévoit les ordonnances relatives aux fonctionnement des assemblées parlementaires ?
Cher collègues, il est inacceptable que des lobbies puissent avoir un accès privilégié à des informations internes de l’Assemblée nationale afin de déployer des stratégies pour court-circuiter nos débats. C’est la crédibilité même du Parlement qui est en cause. Je m’adresse à chacun de vous en espérant un sursaut de la Démocratie pour que ces méthodes soient unanimement dénoncées, refusées et sanctionnées. »
Comment ceci a-t-il pu se produire ?
De deux choses l’une, soit il a existé une fuite « intéressée » au sein de l’Assemblée nationale (systèmes d’information et/ou toute personne ayant des droits d’administrateur du site de l’application ELOI et ELIASSE, - son pendant en accès distant -), soit il s’agit d’un acte de piraterie cybercriminel. Dans les deux cas les auteurs sont passibles de lourdes amendes et de peines de prison. Mais surtout, « Eliasse, trois fois Eliasse », c’est surtout la Santé publique qui se voit foulée au pied au nom d’intérêts commerciaux, sans états d’âme et par des moyens dont Monsanto ou Bayer sont coutumiers et condamnés comme tels dans leur histoire.
Lobbifricotin
Alors que Nicolas Hulot est asphyxié par son collègue de l’Agriculture (Yannick Jadot sur RFI) et en tout cas silencieux et les parlementaires aux abonnés absents, Stéphane Travert répond aux propos de Delphine Batho sur la forme mais pas au fond. François de Rugy, quant à lui assure « qu’il ne faut pas fantasmer sur les lobbies et que les fonctionnaires de l'Assemblée nationale ne sont pas responsables de la fuite d'un amendement. Nous n'avons pas trouvé de trace ». Il n’a pas dû chercher très loin. D’aucuns pourraient lui donner des indications sur ce genre de pratiques et un audit informatique simple permettraient de couper court, ou pas.
Bayer, Monsanto, dans le pire, ce sont les meilleurs
Monsanto est bien connu pour avoir produit l’Agent Orange (1940) pendant la guerre du Vietnam qui aura conduit à exposer presque 4.8 millions de vietnamiens, cambodgiens, laotiens, américains, australiens, canadiens, néo-zélandais ou sud-coréens. Ce défoliant favorisera l’émergence de millions de cécité, diabètes, cancers, malformations sans parler de décès par milliers. Le produit étant remarquablement stable, il s’infiltre dans les nappes phréatiques et persiste très longtemps, des dizaines d’années, avec son cortège de malheurs jusqu’à nos jours plus de cinquante ans après. Ceci est intervenu en pleine connaissance de Monsanto et des autorités américaines après de nombreux rapports et études dont le célèbre « Science for Sale » de David Lewis faisant suite à l’accident de Nitro (Virginie) en 1949. Monsanto sera condamné à maintes reprises mais usera de toute sa puissance financière et juridique pour contester les évidences dans de nombreux scandales PCB, agent orange, dioxine, OGM, hormones de croissance, Lasso et Roundup.
Le Washington Post écrit publiquement « Des milliers de pages de documents de Monsanto – dont beaucoup sont estampillés 'CONFIDENTIEL : lire et détruire' – montrent que pendant des décennies, la multinationale a dissimulé ce qu'elle faisait et surtout ce qu'elle savait. En 1966, des responsables de l'entreprise avaient découvert que des poissons immergés dans un ruisseau se retournaient sur le dos en moins de dix secondes, pissant le sang et perdant leur peau comme s'ils avaient été bouillis vivants. Ils ne l'ont dit à personne ». Cela entrainera une condamnation et des pénalités de 700 millions de dollars, la dépollution du site et le film « l’Affaire Pélican ». Les mêmes méthodes ont été employées en Angleterre avec les mêmes résultats entre 1965 et 1977 (The Guardian, 2007). En 1970, les Veterans américains ouvrent une Class Action. 17 ans après, la Justice US est rapide parfois, qui condamne Monsanto à verser 180 millions de dollars aux plaignants. Durant le procès, Monsanto présentera des études scientifiques objectivant selon eux l’innocuité cancérogène du produit. En 1990, il sera démontré par le National Research Council que ces études étaient frauduleuses et biaisées. Il est ainsi indiqué que « les études de Monsanto souffrent d'erreurs de classification entre les personnes exposées et non exposées à la dioxine, et qu'elles ont été biaisées dans le but d’obtenir l'effet recherché ». Des actions judiciaires sont toujours en cours en 2017 mais Monsanto use bien du droit américain. Mais de la moralité point. Tout récemment on connait l’influence des lobbies guidant la plume des autorités européennes jusque et y compris des membres de la Commission européenne. Copiez-collez, il en restera bien quelque chose sans que cela n’émeuve quiconque.
Bayer a aussi une longue histoire médiatique peu reluisante, notamment pendant la seconde guerre mondiale, pour avoir produit le Zyklon B (acide prussique utilisé comme dératiseur) avec Agfa et BASF sous la bannière IGFarben (démantelée après-guerre pour faire plus propre) et conduit, sous le régime nazi, à l’élimination par gazage de millions d’êtres humains parce que Juifs, Tziganes, résistants ou homosexuels.
Au motif de courir après l’argent certains sacrifient allègrement notre honneur. Leur guerre – économique - n’est pas celle de la santé publique. Ils prennent le risque de perdre à la fois leur honneur et notre guerre pour la santé des citoyens. Ainsi que le disait un philosophe forain : à la guerre, il y a beaucoup d’appelés mais bien peu d’élus. Certains esprits sont un peu trop coopératifs ou collaborateurs, c’est selon.
Sur le sujet de santé publique présent, inscrit dans le sens de l’Histoire, au nom de tous et du bien commun, sur les bases des principes de la Démocratie, une voix s’est élevée qui fait honneur à la République ; un Homme s’est levé, c’est une femme, Delphine Batho.
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