POUR ACHEVER de convaincre sa bien-aimée, qui lorgne du côté d’un fier sergent en garnison dans son village, Nemorino achète à un charlatan un « élixir d’amour » qui n’est autre que du vin de Bordeaux ! Le breuvage a tout de même l’effet de l’aider à vaincre sa timidité et à l’emporter contre son rival pour enlever la belle !
Le soprano russe Anna Netrebko et le ténor mexicain Rolando Villazón sont (à la scène) le couple le plus en vue du moment. Le baiser qu’ils se donnent à la fin de leur « Elixir », capté au Staatsoper de Vienne en avril 2005, égale ce que l’on a vu de plus torride au cinéma. Ce spectacle, sous la direction élégante d’Alfred Eschwé, dont la mise en scène au tout premier degré d’après Otto Schenk, dans les décors et costumes de Jürgen Rose purement traditionnels et ravissants, a un coefficient de sympathie rarement atteint à l’opéra.
Les deux tourtereaux sont à craquer, Villazón doit bisser sa Furtiva lágrima devant le délire d’applaudissements, Leo Nucci est parfait en Belcore et Ildebrando D’Arcangelo ne fait qu’une bouchée du rôle de Dulcamara. Il semble qu’une partie de l’élixir soit passé dans la salle car le public viennois s’amuse comme jamais. Seul le livret est un peu chiche dans cette formidable affaire à ne pas manquer (1).
Un document d’antiquité.
Il périme d’office celui mis en scène par Franck Dunlop en 1996 à l’Opéra de Lyon avec une volonté, il est vrai peu dérangeante, de faire moderne, sous la direction parfaite d’Evelino Pido. Le couple en vue de l’époque était formé par Angela Gheorghiu et Roberto Alagna, aujourd’hui encore mari et femme à la scène comme à la ville. Ni l’un ni l’autre ne sont des belcantistes, leur pointure est plutôt vériste, d’où quelques excès difficiles à pardonner. Si Alagna sait cependant parfois se montrer touchant, il ne convainc guère avec sa version « originale » de Una furtiva lágrima (2).
Autre document, cette fois carrément une antiquité, une retransmission en noir et blanc par la RAI d’une soirée du Mai musical florentin de 1967 de « L’Elisir d’amore ». A l’affiche, pardonnez du peu : Renata Scotto, Carlo Bergonzi et Giuseppe Taddei dans l’absolue fraîcheur de leurs débuts de carrière. A la baguette, le maestro Gianandrea Gavazzeni, illustre belcantiste, qui fut plus tard un des chefs attitrés de Maria Callas.
On ne peut que fondre devant tant de pauvreté théâtrale : les décors sont des toiles peintes, les figurants bien empotés et les trois chanteurs de piètres comédiens. Mais le document permet de découvrir les rôles d’Adina et Nemorino finement ciselés et chantés dans un style impeccable, qui manque tant aux versions ci-dessus, et non comme souvent aujourd’hui par des sopranos soubrettes et des ténors claironnants. Un baume pour les oreilles que cet « Elixir » aux vertus hautement pédagogiques.
(1) 1 DVD Virgin Classics.
(2) 1 DVD Decca/Universal.
(3) 1 DVD Hardy Classic Video (distribution DOM).
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