LES PARTISANS de M. Battisti rappellent que la France est terre d'asile ; que François Mitterrand lui-même s'était engagé à ne pas le livrer à la justice italienne : qu'il se conduit aujourd'hui en citoyen paisible qui n'a plus rien à voir avec les violences qui lui ont été reprochées ; qu'enfin la condamnation par contumace en Italie est définitive et qu'elle ne donne pas lieu à un nouveau procès.
Bien entendu, c'est plutôt à gauche que ces opinions sont exprimées. Mais curieusement, la gauche italienne ne les rejoint nullement. Elle estime que Cesare Battisti doit être extradé ; que la justice italienne n'est pas celle d'une république bananière et qu'on doit au moins lui accorder la même confiance qu'à la justice française ; que M. Battisti n'est pas poursuivi pour des opinions politiques, mais pour des crimes de sang et que, s'il est innocent, il pourra le démontrer en Italie même au lieu de soustraire à la justice, ce qui est suspect.
L'TALIE N'A PAS DE LEÇON JUDICIAIRE A RECEVOIR DE LA FRANCE
Une référence abusive.
Comme nous, Français, excellons dans les querelles de principe, nous sommes plus passionnés par le débat que les Italiens eux-mêmes. La référence au droit d'asile est certainement abusive, pour les raisons invoquées par la gauche italienne. Elle présente aussi l'inconvénient d'exalter un nationalisme anachronique à l'époque de l'Union européenne et de l'espace de Schengen : on ne peut pas traiter l'Italie avec une telle condescendance, d'autant qu'elle reçoit chaque année son lot d'immigrés.
On aurait peut-être pu parler d'un règlement de comptes entre le gouvernement italien et l'extrême gauche si la justice italienne n'avait démontré son indépendance du pouvoir politique, un pouvoir qu'elle a même souvent mis à genoux. Il ne s'agit pas de voir dans la demande d'extradition un acte sournois de Silvio Berlusconi, qui a beaucoup de choses à se faire pardonner, mais pas celle-là.
Le pieux discours sur la « trahison » dont M. Battisti serait la victime est donc hypocrite. Pis, il décrit abondamment la complaisance de certains milieux avec le terrorisme.
Non que M. Battisti soit nécessairement un assassin, en dépit des charges très sérieuses qui pèsent sur lui ; mais enfin, il a profité du droit d'asile en France pour ne jamais s'expliquer sur les actes qui lui sont imputés. Il clame son dégoût de la justice française, mais on préférerait l'entendre dire que la violence et le crime lui font horreur. On aimerait aussi que ses amis tiennent un discours antiterroriste.
C'est le sujet.
Ils disent que ce n'est pas le sujet, mais nous pensons exactement le contraire : oui ou non, nos sociétés européennes doivent-elles combattre le terrorisme avec la plus grande détermination ? Si elles ne le font pas, elles seront très vulnérables. Par conséquent, elles ne sauraient tout à la fois pourchasser les poseurs de bombes d'Al Qaïda et pardonner à un terroriste des années de plomb au nom du temps écoulé.
Cette indulgence est suspecte à deux titres : non seulement, elle relativise la gravité de l'acte terroriste, mais elle insulte l'Italie où les Brigades rouges ont fait des centaines de morts parmi les civils, les juges et les policiers. S'il est facile à la gauche française d'oublier les souffrances italiennes, qu'elle permette au peuple italien de s'en souvenir. Il nous semble que l'Italie a eu infiniment plus de mérite à surmonter le chaos déclenché par le terrorisme dans les années soixante-dix que la France à passer le cap de mai 1968. Nous n'avons pas le droit de traiter les Italiens avec autant de négligence ; notre ego national apparaît dans toute son arrogance quand un problème italien se transforme en polémique française, alors que Cesare Battisti est citoyen italien, poursuivi par la justice italienne et qu'en somme certains de nos concitoyens s'approprient ce que l'Italie n'a pas fait de mieux, c'est-à-dire des Battisti.
Tous les recours.
Il est bon que M. Battisti se soit pourvu en cassation, c'est-à-dire qu'il ait épuisé tous les recours judiciaires ; après quoi, si l'extradition est maintenue, le président de la République peut encore l'empêcher : il sera alors placé dans une situation délicate non pas parce que le choix serait impossible, mais parce que le battage autour du cas Battisti servira une fois de plus de machine à déstabiliser le gouvernement. Mais M. Chirac n'a pas à respecter les promesses faites par Mitterrand, lequel ne pouvait engager que lui-même et pour la période de ses mandats ; il n'a pas non plus à craindre que cette affaire italo-italienne se transforme en affaire franco-française. Tout au plus, le gouvernement français peut-il, en cas d'extradition, suggérer à la justice italienne qu'elle consente à organiser un nouveau procès.
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