L'ISF RAPPORTE cette année à l'Etat moins de trois milliards d'euros. Ce n'est pas rien ; ce n'est pas beaucoup par rapport à d'autres recettes et surtout aux dépenses. Adopté en 1982 par le gouvernement Mauroy, il donne lieu, depuis vingt-deux ans, à d'interminables polémiques. A gauche, on y voit un autre instrument de la répartition ; à droite, on affirme qu'il incite les détenteurs de capitaux à s'expatrier et à exporter une partie de la richesse du pays. Il n'est pas rare, en effet, d'apprendre que tel ou tel acteur, tel ou tel chef d'entreprise réside en Suisse ou au Luxembourg. En clair, disons qu'il s'agit, ni plus ni moins, d'un impôt supplémentaire.
Ange ou bête.
C'est l'inspiration d'une politique sociale et économique qui détermine si l'ISF est ange ou bête : l'épargnant peut estimer qu'il paie des impôts sur ses salaires ou revenus, puis qu'il paie des impôts sur les revenus de son épargne, pourtant déjà taxés une première fois ; puis qu'il doit encore payer un impôt sur de l'argent qu'il n'a pu accumuler qu'après les taxations précédentes. Dans certains cas, l'impôt est confiscatoire puisqu'il est plus élevé que les revenus du possédant.
Ce qui explique l'exaspération des citoyens riches qui utilisent alors tous les moyens pour échapper à l'impôt, par exemple en achetant une résidence à l'étranger, de préférence dans un paradis fiscal. D'aucuns estiment qu'il vaut mieux renoncer à trois milliards de recettes que perdre l'investissement dans l'économie française de cinquante ou cent milliards.
Par rapport aux citoyens les plus pauvres, smicards ou chômeurs, la notion d'injustice devient rapidement caduque : l'ISF crée moins de problèmes à l'épargnant qu'à celui qui ne peut jamais épargner un sou. Mais la finalité d'une politique économique n'est pas de taxer le riche pour donner au pauvre. Elle doit être de donner du travail aux plus démunis et d'améliorer leurs salaires chaque fois que c'est possible. L'acte de justice représenté par l'ISF n'est donc qu'apparent et constitue même l'amorce d'une planification à la mode marxiste : c'est un effort de nivelage des revenus.
Un symbole français.
Cependant, jusqu'à présent, les socialistes ont conduit des politiques social-démocrates qui ont très peu interféré avec les mécanismes du marché. Qu'ils soient restés en France ou qu'ils soient partis pour l'étranger, les riches n'ont pas donné l'impression de souffrir, ou plus exactement, ils ont semblé s'accommoder de cet impôt supplémentaire.
Lequel est devenu le symbole d'une France exemplaire, où le mot solidarité est sacré. De sorte que la droite n'a pas osé, chaque fois qu'elle a repris le pouvoir au cours de ces vingt-deux dernières années, abolir l'ISF.
Voilà maintenant que le gouvernement, qui avait soigneusement écarté la « réforme » de l'ISF du budget 2005, est combattu par sa propre majorité : l'aile la plus libérale de l'UMP veut impérativement que quelque chose soit fait cette année pour assouplir l'impôt sur la fortune. Pour le principe. Pour abattre le tabou. Pour commencer à remettre la France sur les rails de la liberté d'entreprendre (et de s'enrichir personnellement).
LE « CADEAU » FAIT AUX RICHES SERA MINUSCULE
Réévaluation de la franchise ?
La franchise de 720 000 euros qui s'applique au calcul de l'ISF n'a pas été réévaluée depuis plusieurs années ; on pourrait donc l'augmenter d'environ dix pour cent. On se contentera plutôt de revaloriser la franchise de l'inflation sur un an.
Il est toujours apparu comme injuste que la résidence principale soit incluse dans l'ISF, alors que le prix de l'immobilier ne cesse d'augmenter : on peut avoir acheté il y a trente ans un appartement décent à Paris et s'apercevoir qu'il vaut aujourd'hui plus de 720 000 euros. Sur la résidence principale, il y a déjà une décote de 20 %, qui devait être portée à 30 %, ce que Jean-Pierre Raffarin a refusé.
Autant dit que le « cadeau » fait aux riches sera minuscule.
Car le climat politique ne permet pas au gouvernement Raffarin, soumis aux critiques permanentes de la gauche pour un budget considéré comme un budget de classe, d'en finir avec un impôt qui n'existe que dans certains pays européens, pas tous, et qui est plus élevé que la moyenne européenne.
Il faut ajouter, pour conclure, que personne ne peut dire si les capitaux expatriés auraient été systématiquement investis dans les créations d'entreprises, donc d'emplois. L'économie n'est pas du tout une science exacte et ses mécanismes obéissent plus à la psychologie de ses acteurs qu'à des forces automatiques. Un gouvernement, même de droite, peut préférer trois milliards de recettes tout de suite à une contribution indirecte à la prospérité.
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