DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE
AVEC SES 160 établissements de santé, ses deux CHU, et un système hospitalier privé bien implanté, la Région Languedoc-Roussillon dispose d'une offre de soins hospitalière abondante, et de qualité. La situation, plus favorable qu'ailleurs, n'est pourtant pas idyllique : un habitant sur cinq va se faire soigner à Toulouse, à Marseille ou à Barcelone.
Une nouvelle planification sanitaire se met en place partout en France, qui vise à mieux répartir l'offre de soins ; en Languedoc-Roussillon, il s'agit notamment de stopper cet exode médical.
Le schéma régional d'organisation sanitaire de troisième génération (Sros 3), adopté en mars 2006, a fixé des orientations pour redynamiser la région. Chaque établissement de santé, ensuite, a dû décliner localement ce Sros. Douze mois n'ont pas été de trop pour boucler les 160 contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (Cpom) de la Région.
D'une durée de cinq ans, mais révisables en cours de route, ces nouveaux contrats prévoient des sanctions financières en cas de non-respect des objectifs d'activité – les fameux « Oqos » ou objectifs quantifiés de l'offre de soins. Une quinzaine d'activités sont ciblées par ce calcul. La médecine et la chirurgie notamment, mais pas l'obstétrique : difficile d'entrer dans des cases le nombre des naissances, fluctuant par définition.
Gymnastique.
Les Français restant libres de choisir leur médecin et leur lieu d'hospitalisation, c'est aux établissements de santé de s'adapter aux flux de patients. Les hôpitaux et les cliniques doivent apprendre à attirer les malades, car, en tarification à l'activité (T2A), chaque séjour rapporte de l'argent. Les attirer un peu, mais pas trop, pour éviter la sanction : l'exercice, complètement nouveau, s'apparente à un numéro d'équilibriste.
Dans chaque région, des stratégies ont émergé, qui ont été mises en oeuvre par les fédérations hospitalières pour défendre les intérêts de chaque secteur.
La chirurgie illustre bien la guerre sans merci que se livrent les hôpitaux publics et les cliniques privées. C'est particulièrement le cas en Languedoc-Roussillon. «Le privé était, et reste, largement majoritaire dans cette discipline, observe Patrick Rodriguez, délégué régional de la Fehap (Fédération des établissements privés hospitaliers et d'assistance à but non lucratif). Les cliniques gardent la main, même si les hôpitaux tentent de regagner des parts de marché.» L'ARH, dans cette affaire, a tenté de temporiser la gourmandise du secteur privé, en fixant des seuils d'activité plus bas que ne l'auraient souhaité les cliniques. Le représentant régional de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), le Dr Lamine Gharbi, constate que «des cliniques risquent d'être pénalisées dans leur développement car leur activité a été sous-estimée». La perspective des pénalités financières est, à ses yeux, «inacceptable».
Du côté des hôpitaux, l'heure est à la reconquête d'une activité délaissée : «La Fédération hospitalière de France (FHF) veut qu'on conserve, et même qu'on gagne des parts de marché en chirurgie, explique Jean-Louis Billy, délégué régional en Languedoc-Roussillon pour la FHF. Il faut que les hôpitaux s'organisent et passent des conventions entre eux». Plus facile à dire qu'à faire, car «ce système, d'inspiration libérale, met en compétition les offreurs de soins et les médecins. Il peut y avoir une compétition public-privé, mais aussi public-public sur le même territoire de santé», complète Jean-Louis Billy.
Médecins libéraux et hospitaliers, peu sensibilisés à la question, joueront pourtant un rôle déterminant : s'ils ne respectent pas les fourchettes d'activité imposées, la pénalité financière s'appliquera alors à leur établissement. A l'échelle d'un CHU comme celui de Montpellier, le manque à gagner potentiel revient au prix d'un scanner. Ce qui n'est pas rien.
«Globalement, le corps médical n'est pas en phase avec ces questions, regrette Jean-Louis Billy, de la Fédération hospitalière. Mais il faut dire que les réformes sont peu lisibles: d'un côté, les budgets hospitaliers nationaux tablent sur une hausse d'activité de 1,7%. Et de l'autre, les Oqos apparaissent comme des bornes à ne pas franchir.»
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