Livres
Bourse Goncourt du Premier roman en 1997 pour « Porte de la Paix céleste », prix Cazes deux ans plus tard pour « les Quatre vies du saule », l'écrivain français d'origine chinoise Shan Sa - qui a également publié un recueil de poésie et s'exprime aussi par la calligraphie et la peinture - confirme avec ce troisième roman la force de son inspiration.
Situé dans le temps, alors que Pu Yi, le dernier empereur de Chine, règne sans pouvoir sur la Mandchourie soi-disant indépendante mais aux mains des Japonais, le récit n'est cependant pas un livre historique. Il a valeur universelle dès lors qu'un peuple est sous la botte d'un autre peuple et qu'un homme et une femme finissent pas s'aimer en dépit de toutes les barrières dressées entre eux. Il est construit en chapitres alternés où l'un puis l'autre est alternativement le narrateur des événements qui ont fait se rencontrer ces étrangers.
La joueuse de go, dont on n'apprendra qu'à la dernière page qu'elle s'appelle Chant de Nuit, est une collégienne de seize ans issue d'une famille aristocratique déchue, quelque peu mélancolique et qui chaque jour après la classe, se rend au rendez-vous des Mille Vents. « Le jeu de go me propulse vers un univers de mouvement. Les figures sans cesse renouvelées me font oublier la platitude du quotidien ». Un oubli qu'elle ira aussi chercher en fréquentant des étudiants, inconsciente des conséquences.
A peine sorti de l'enfance aussi mais élevé dans un univers d'honneur et dévoué à l'utopie impérialiste, le soldat japonais
a découvert la haine après ses premiers affrontements contre des « terroristes » retranchés dans la montagne.
C'est d'ailleurs sur l'ordre d'un supérieur qu'il est chargé de s'infiltrer, déguisé en chinois, pour détecter les prémices d'un nouveau soulèvement ; d'où sa présence place des Mille-Vents.
Les jeunes gens ne se parlent pas ou presque, tout entiers livrés à leur jeu symbolique. « Le go me transforme en état-major qui manie ses hommes avec froideur. Les pions progressent. Beaucoup sont condamnés à périr encerclés au profit d'une stratégie », finit par constater le soldat. Parties prenantes de la violence qui fait rage autour d'eux - Shan Sa a des phrases d'une concise âpreté pour évoquer l'horreur des combats et des tortures - ils devront cependant choisir à un moment, de rejoindre ou non chacun leur camp. Nous, lecteurs, nous sommes tous des Mandchous.
Editions Grasset, 343 p., 127,90 F (19,50 euros)
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